- La facture d'importation des produits alimentaires ne cesse de grimper. Quelles en sont, selon vous, les raisons ? C'est un problème récurrent, je dirais même structurel. Mais il faut savoir qu'il y a un triple effet : d'abord celui qui est naturel, lié à la situation pluviométrique, à la qualité des sols et qui fait que nous n'avons pas les pâturages des pays d'Europe du Nord pour pouvoir assurer des quantités énormes de produits alimentaires. Cela étant dit, les solutions existent, sauf qu'elles ne sont pas mises en œuvre. Il y a ensuite un autre effet qui peut expliquer l'augmentation continue de la facture des importations, c'est celui en rapport avec la poussée démographique qui se traduit par une augmentation de la demande sur certains produits alimentaires, notamment le lait et les produits laitiers. Enfin, les prix pratiqués à l'échelle nationale n'encouragent pas la production locale et poussent au gaspillage, voire au détournement des produits soutenus pour les utiliser comme des intrants à la fabrication de produits finaux dont les prix sont libérés. Et c'est ce qui a fait que les mesures mises en place, notamment les licences, n'ont pas eu d'effet de façon significative pour réduire les quantités importées. En d'autres termes, il y a une pression trop forte qui se traduit, sur le plan politique, par une relative facilité à laisser entrer ces produits. - Que préconisez-vous comme solution ? Tant que le dossier des subventions ne sera pas traité de façon approfondie, la pression des importations de ces produits continuera, malgré la volonté affichée de réduire nos dépenses d'importation dans l'alimentaire. Bien plus que cela, l'effet négatif sur la production locale continuera, en ce sens qu'un producteur ne va pas prendre le risque de s'engager dans un investissement à long terme pour produire du lait, du sucre ou encore des céréales, parce que nous continuons à traîner le syndrome hollandais. Il va falloir agir sur le système des subventions des produits alimentaires, pour que ces produits ne soient pas des produits dont le gaspillage et le détournement soient facilités par des prix subventionnés, alors qu'ils ne sont pas directement alloués aux ménages dont les revenus nécessitent cela. Il faut qu'il y ait également des politiques plus ciblées pour soutenir la production locale de ces produits, sans oublier d'ouvrir des négociations sur toutes ces questions avec les partenaires sociaux et les organisations professionnelles pour mettre de l'ordre, d'autant que nous allons avoir, dans les semaines qui viennent, une vraie tension sur les équilibres extérieurs, notamment sur la balance des paiements. - Plusieurs projets agricoles dans le modèle des «grandes exploitations» commencent à être lancés. Pensez-vous que cela pourra renforcer la production locale et éviter les importations ? C'est une très bonne option, d'autant que de plus en plus se dégagent des quantités d'eau provenant des stations de dessalement d'eau de mer et qui vont être mises au profit des grands périmètres agricoles irrigués. Il va falloir aller vers des exploitations de type agro-industriel avec l'expérience des pays qui ont réussi dans ce domaine, à l'image des Etats-Unis ou de pays d'Europe. Il s'agit de notre indépendance alimentaire qui est en jeu et lorsque nous constatons que notre balance des paiements subit de plus en plus de contraintes, il va falloir trouver des solutions de substitution à l'importation, par la production locale.