René Backmann signe un livre d'une grande intelligence. Dans Un mur en Palestine, le journaliste du Nouvel Observateur démontre tout son talent de reporter. Il montre à quel point les Israéliens ont su se servir du prétexte de la sécurité pour annexer 18% des territoires palestiniens. La certitude de l'auteur ne souffre d'aucune polémique. Ce mur « a contribué à dynamiter les espoirs de paix des Palestiniens aussi sûrement que les attentats kamikazes ont massacré ceux du camp de la paix israélien », écrit-il. Maintenant, retour en arrière. Au printemps 2002, le gouvernement israélien ouvre, en Cisjordanie occupée, le chantier d'une barrière et d'un mur longs de plus de 650 km. Cet ouvrage gigantesque devrait être achevé en 2007. Pour l'Etat d'Israël, cette « barrière de sécurité » est destinée à empêcher l'entrée sur son territoire de terroristes palestiniens. Pour les Palestiniens, ce « mur de séparation », qui annexe de fait à Israël une partie substantielle de leur futur Etat, est une nouvelle frontière imposée par la force. Un instrument de colonisation Le mur de Palestine est-il un moyen de lutte contre le terrorisme ou un barrage contre la paix ? Pour le rédacteur en chef du Nouvel Observateur, René Backmann, ce mur dynamite tous les espoirs de paix. René Backmann a fait un véritable travail de fourmi. Il est allé à la rencontre des Palestiniens qui ont vu leur vie entièrement chamboulée à cause de ce « mur de l'apartheid ». Des villages ont été coupés en deux, des familles éclatées, des champs « réquisitionnés » … Ce mur est-il construit pour la sécurité des Israéliens ? « On aurait pu le penser si le mur avait été construit le long de la ligne verte qui constitue la ligne de l'armistice de 1949 », dit-il. C'est une sorte de frontière provisoire longue de 350 km. Mais on voit que le mur, en réalité, s'éloigne terriblement de cette frontière et fait des boucles parfois géantes (jusqu'à 20 km à l'intérieur de la Cisjordanie du côté d'Ariel) pour atteindre 665 km de long. La conclusion est évidente : « Ce n'est pas un ouvrage de protection mais un instrument de colonisation », tranche René Backmann. Approximation politique Ce livre a aussi un autre mérite. Il vient démonter tout le (nouveau) discours du sémillant ministre des Affaires étrangères français, Philippe Douste-Blazy, qui a déclaré sur une télévision communautaire « Même si moralement et éthiquement pour moi ce mur posait problème, quand j'ai su qu'il y avait 80% d'attentats en moins, j'ai compris que je n'avais plus le droit de le penser. » Quand on sait que ce mur pénètre de 20 km dans les territoires palestiniens, on ne peut qu'être effaré de cette approximation politique. Pour faire plus simple, 18% des territoires palestiniens sont ainsi annexés sans que M. Douste-Blazy s'autorise à penser que ce mur « pose problème ». Un livre à mettre entre toutes les mains, à commencer par celles du locataire du Quai d'Orsay.