Peu de réformes susceptibles d'améliorer l'environnement des affaires ont été réalisées durant l'année 2017. Certaines décisions allant à contre-courant de la liberté d'entreprendre et en violation des accords internationaux signés par l'Etat algérien ont même été prises sous prétexte du déclin des recettes d'hydrocarbures. Selon l'humeur des décideurs, les importations sont tantôt interdites, tantôt suspendues, ou subitement reconduites sans explication aucune. Cette instabilité juridique a beaucoup nui aux entreprises fortement dépendantes des importations. Comme au temps du monopole de l'Etat sur le commerce extérieur, les licences d'importation, les pratiques de contingentement et les restrictions autoritaires ont refait surface, avec tout le lot de difficultés qu'elles ont fait subir aux entreprises et, plus généralement, à l'ensemble de l'économie algérienne. Structurellement dépendantes des importations, ces restrictions, qui ne pouvaient être compensées par des produits locaux, ont troublé aussi bien les producteurs que les distributeurs, qui ont dû subitement interrompre leurs activités. Le cas des concessionnaires automobiles, qui n'ont pas été autorisés à importer des véhicules neufs et à n' effectuer du montage automobile qu'à certaines conditions, est sans doute le plus patent. Leurs activités ont été considérablement réduites, au point d'entraîner des milliers de licenciements. La brèche des importations individuelles étant restée ouverte, l'importation de véhicules neufs et d'occasion a fini par tomber aux mains de spéculateurs qui ont créé une forte surenchère sur les prix sans assumer l'obligation du service après-vente. Faute de communication, le commerce extérieur est devenu la proie de rumeurs, que des décisions gouvernementales viennent parfois confirmer. L'incertitude ainsi créée pousse à l'attentisme et au report d'affaires pourtant programmées. La croissance du Produit intérieur brut des années à venir en subira très certainement les conséquences en termes de création de richesses et d'emplois. Mais en dépit de ce climat des affaires en tous points délétère, la plupart des entrepreneurs algériens ont continué courageusement à travailler et à garantir une certaine expansion à leurs sociétés, en slalomant au gré d'une multitude d'obstacles dressés par la toute puissante bureaucratie algérienne. De nombreux investissements dans des domaines aussi variés que l'agroalimentaire, l'hôtellerie, l'électronique, les matériaux de construction et la mécanique ont ainsi pu être concrétisés. Ils auraient été certainement plus nombreux et plus déterminants pour la croissance si ces hommes d'affaires avaient évolué dans de meilleures conditions entrepreneuriales, que le pouvoir en place ne veut à l'évidence pas leur offrir. C'est une exigence pourtant formulée par la nouvelle Constitution de février 2016, qui exige expressément des autorités concernées de prendre toutes les dispositions nécessaires à l'effet d'instaurer un climat des affaires favorable dans le pays. Près de deux années après sa promulgation, force est de constater qu'aucun texte législatif et réglementaire n'a été promulgué à cet effet. En matière de «doing business», l'Algérie continue à occuper les dernières places dans les classements mondiaux publiés périodiquement par d'influents observateurs étrangers.
Statu quo Si rien de bien sérieux n'est fait pour faciliter la vie aux entrepreneurs en dotant notre économie des outils de gestion indispensables au système de marché (liberté de commerce et d'industrie, autonomie de gestion des entreprises, marché financier, marché des changes, convertibilité du dinar, moyens de paiement moderne, etc.) pour lequel le gouvernement algérien a pourtant officiellement opté, des décisions allant à contresens de cette option sont par contre souvent prises, sans que les autorités en assument de surcroît les conséquences qu'elles ont causées aux entreprises et parfois à l'économie toute entière. Les cas de la généralisation du crédit documentaire comme moyen de paiement des importations, qui n'a été abrogée qu'après avoir commis d'énormes dégâts dans les entreprises, l'obligation de la majorité algérienne (49/51) dans le capital des sociétés qui souhaitent investir en Algérie, la suspension inexpliquée du processus de privatisation des entreprises publiques, le recours aux licences d'importation et autres mesures d'interdiction et de contingentement de certains produits et, tout récemment, le recours à la planche à billets, constituent autant de régressions que le gouvernement aurait pu éviter de créer aussi brutalement. Cette manière brutale d'opérer est de nature à faire fuir les investisseurs étrangers, qui choisiront d'aller investir dans des pays où ils trouveront de meilleures conditions d'accueil et de travail. La déception est grande chez de nombreux entrepreneurs algériens et étrangers, qui pensaient qu'après la promulgation d'une Constitution révisée durant l'année 2016 de manière à être plus favorable à l'entrepreneuriat, l'année 2017 allait être celle des réformes structurelles de fond qui mettraient définitivement fin aux archaïsmes qui plombent l'investissement et inhibent les initiatives managériales. Aucune action d'envergure n'ayant malheureusement été entreprise dans ce sens, l'environnement des affaires n'a pas évolué et, à certains égards, on peut même affirmer qu'il a reculé. A titre d'exemple, vous ne pouvez toujours pas promouvoir un investissement si vous n'êtes pas expressément autorisé par l'administration, les décisions de blocage de marchandises, légalement importées dans les ports, peuvent frapper à tout moment des entrepreneurs, de même que des investissements peuvent être à tout moment bloqués sans espoir d'indemnisation. La promesse de soumettre, dès l'année 2017, l'investissement à une simple déclaration plutôt qu'à une autorisation qui n'est pas toujours facile à obtenir n' a, à l'évidence, pas été tenue. Le Conseil national de l' investissement (CNI), présidé par le Premier ministre, a continué à sévir, autorisant des projets pour les uns et les refusant, sans aucune possibilité de recours, pour d'autres. Ayant pour préoccupation essentielle le scrutin présidentiel d'avril 2019, on semble avoir délibérément opté pour un statu quo qui garantirait la paix sociale jusqu'à cette échéance. Faire le moins possible en matière de réformes économiques est, au regard des dirigeants algériens, la meilleure façon de maintenir ce statu quo. D' où cette panne générale qui affecte aussi bien l'économie que les société algériennes, trop à l'étroit dans les costumes serrés que leur ont été taillés par des réformes économiques et sociales inachevées.