C'est la première fois qu'une personnalité politique de premier plan reconnaît que les nombreuses entraves qui pèsent sur la société algérienne et les interdits étouffent une jeunesse qui préfère se «jeter à la mer» et souvent mourir plutôt que de continuer à vivre dans un pays qui est sous l'emprise de la religion. «C'est peut-être un climat, un plaisir de vivre qui est absent dans notre pays», a affirmé le Premier ministre lors de sa conférence de presse du 20 janvier, lors de la clôture du conseil national du RND (Rassemblement national démocratique), taclant au passage les propos d'un célèbre imam d'une chaîne de télévision privée qui s'en était pris aux habitants de Mascara, leur reprochant d'accepter qu'un vin porte le même nom que leur ville. Une explication d'autant plus intéressante que l'islamisation de la société a été accélérée par le président Bouteflika depuis plusieurs années. Dans un rapport publié en 2017, il est noté un retour des islamistes vers la prédication avec des organisations et des associations satellitaires dans l'objectif d'islamiser la société. Une «islamisation qui s'accélère» et qui «domine tous les débats», affirme le rapport. L'explication du Premier ministre suffit-elle à expliquer le phénomène de la harga ? Sûrement pas, car elle occulte les échecs des politiques économiques menées depuis de nombreuses années. C'est en tout cas ce qu'a voulu rappeler l'ancienne candidate à la présidentielle lors de sa conférence de presse tenue dimanche à l'issue du bureau politique du parti. Mme Hanoune a tenu à répondre aux propos du Premier ministre et attaquer sa politique économique. «Les responsables de ces drames sont les auteurs des politiques économiques adoptées, parmi lesquelles celle de l'actuel Premier ministre», a accusé la patronne du Parti des travailleurs. Si dans les années 2000 le phénomène attirait essentiellement des jeunes sans emploi et sans perspectives, incapables d'obtenir un visa, le phénomène touche maintenant des universitaires, des femmes et mêmes de jeunes enfants. En novembre 2017, plus de 500 harraga étaient arrivés en une semaine en Espagne, révélait le ministre de l'Intérieur ibérique, alors même que l'Algérie a depuis 2009 décidé d'instaurer une loi criminalisant le phénomène (les candidats à l'émigration clandestine interceptés sont souvent condamnés à des amendes ou à des peines de prison), sans que cela ne tarisse les tentatives de départ. L'Algérie est classée au cinquième rang du classement des nationalités de migrants effectuant la traversée, derrière la Syrie (15%), le Maroc (9%), le Nigeria et l'Irak (7% chacun). Quelles que soient les explications avancées par M. Ouyahia ou Mme Hanoune pour expliquer le phénomène de la harga, la réalité est cruelle : plus de 4800 médecins algériens exercent en France, sans compter les 400 000 cadres supérieurs qui exercent en France, en Grande-Bretagne et aux USA.