Depuis près de deux décennies, les projets de nouvelles villes font l'actualité en Algérie. Des projets qui ont aussi marqué l'histoire de l'Algérie indépendante, puisqu'il a fallu beaucoup de temps, d'hésitations, de tergiversations, de précipitations, mais surtout énormément d'argent, pour les voir aboutir. Des nouvelles villes qui ont aussi suscité des controverses, des polémiques, des critiques entre spécialistes en matière de choix architecturaux et urbanistiques, que certains n'ont pas hésité à qualifier de «catastrophiques». Curieusement, et au moment où le programme philatélique de l'année 2018 n'a pas encore été officialisé, contrairement à ceux de nos voisins, alors qu'on est déjà au mois de février, ce qui est devenu un signe d'une dégradation chronique, le service philatélique d'Algérie Poste vient de «pondre», dimanche dernier, une émission qui a surpris plus d'un parmi les philatélistes. Il s'agit de deux vignettes d'une valeur de 25 DA chacune, dessinées par Ali Kerbouche et consacrées à la nouvelle ville de Sidi Abdellah, dans la wilaya d'Alger, et celle de Ali Mendjeli, dans la wilaya de Constantine. Au premier contact visuel avec les deux vignettes, des philatélistes avertis ont été étonnés par cet effet de maquette qui plane sur le sujet, avec même un aspect futuriste un peu exagéré. A Constantine, des passionnés du timbre rencontrés à la recette principale de la ville, mais aussi de simples citoyens connaissant parfaitement le site et auxquels nous avons pris le soin de montrer ce nouveau timbre, ont avoué tous ne pas reconnaître cette nouvelle ville d'Ali Mendjeli, à laquelle on a rajouté des espaces verts et des arbres plantés un peu partout, ce qui n'existe nullement en réalité. Une réalité bien amère, que seuls les habitants de cette grande cité-dortoir de plus de 300 000 âmes sont capables de raconter. L'autre fait qu'on notera à propos de cette émission est la notice fade et pauvre en informations qui a été tirée à cette occasion. En dehors des détails techniques, il fallait au moins donner quelques repères historiques sur ces deux nouvelles villes, dont on ne connaît pas grand-chose. Car, en fait, l'appellation de la nouvelle ville de Sidi Abdellah trouve son origine dans le nom de la tribu qui habitait les lieux au moment de la conquête française de l'Algérie en 1830. Des sources françaises parlent aussi de deux autres tribus habitant dans la région à l'époque, les Zaâtria et Ouled Mendil. Aujourd'hui, Sidi Abdellah et Zaâtria sont, avec Sidi Bennour, des agglomérations de la commune de Mahelma, devenue en 1997 la 47e commune de la wilaya d'Alger (qui en compte 57). Créée officiellement en 2004, la nouvelle ville Sidi Abdellah compte un pôle urbain, un pôle et une résidence universitaires, ainsi que deux gares ferroviaires sur la ligne de train Birtouta-Zéralda. Comme pour Sidi Abdellah, l'histoire de la nouvelle ville d'Ali Mendjeli remonte au milieu des années 1990, avec les premières études lancées pour la création d'un nouveau pôle urbain sur le plateau de Aïn El Bey, au sud de Constantine. Mais ce n'est qu'au début des années 2000 que cette mégacité a vu le jour, avec le transfert massif des populations des bidonvilles et de l'habitat précaire, mais aussi avec la réalisation de projets de logements promotionnels et AADL. Mais ce qu'on retient le plus dans cette histoire, c' est la baptisation par décret présidentiel de la ville au nom du moudjahid Ali Mendjeli, jusque-là inconnu. C'était une sorte de réhabilitation pour cet homme qui a choisi de se retirer de la vie politique, suite à un désaccord profond avec Boumediène, alors président du Conseil de la Révolution. Pour ceux qui ne le connaissent pas, le colonel Ali Mendjeli est né le 7/12/1922 à Azzaba, dans la wilaya de Skikda, et mort dans sa ville natale le 14/4/1998. Membre du PPA, puis du MTLD, il rejoint le maquis en 1955, où il sera un des responsables de la Wilaya II, commandant dans l'ALN en 1958, puis membre du Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA) en 1959, avant de devenir en 1960 l'un des trois adjoints du chef d'état-major général (EMG), le colonel Houari Boumediène (avec le commandant Rabah Zerari, dit Azzedine, et Kaïd Ahmed). Député, puis vice-président de la première Assemblée populaire nationale en 1962, il sera membre du Conseil de la Révolution en 1965. Qualifié de «téméraire et d'irréductible», il démissionne du Conseil de la Révolution en 1967. Il retournera dans sa ville natale, Azzaba, pour gérer ses affaires familiales et consacrera sa vie aux actions sociales et caritatives. Ali Mendjeli a vécu longtemps dans l'anonymat total, avant que son nom ne soit donné à la nouvelle ville de Constantine deux ans après sa mort.