Participera, participera pas ? Difficile de soutirer une réponse ferme du Front des forces socialistes. « D'autres dossiers plus importants préoccupent le parti », assène le secrétaire national à l'information, Karim Tabbou. Des élections, quelle qu'en soit la nature, ne sont plus une fin en soi pour le plus vieux parti de l'opposition. Il l'avait déjà exprimé sur le terrain en boycottant plusieurs rendez-vous dont celui de 2002 (législatives). Le FFS, qui contrôle actuellement 80 APC (900 élus entre APC et APW), s'était illustré aussi dans cette manière de faire en recourant à un boycott spectaculaire auquel personne ne s'attendait. C'était lors de la présidentielle de 1999 où le candidat Aït Ahmed s'était retiré de la course à quelques heures de l'ouverture des urnes. Le tout-Alger politique n'en revenait pas d'autant plus qu'on avait attribué au « Vieux » le fait d'avoir entraîné dans sa démarche les quatre autres candidats, à savoir Ali Benflis, Louisa Hanoune, Abdallah Djaballah et Fawzi Rebaïne. Sans l'avoir souhaité, le candidat Abdelaziz Bouteflika était contraint de poursuivre la course, seul. Pour le FFS, ce retrait « inopiné », mais savamment calculé, était une punition contre un établishment connu pour être « champion des intrigues ». « De toutes les façons, les jeux étaient faits. N'avait-on pas dit que Bouteflika était le candidat du consensus, donc élu avant terme ? Il ne restait à Aït Ahmed qu'à rentrer à la maison », explique le parti. En 2006, la vision du FFS n'a pas changé d'un iota pour ce qui est des élections. « Depuis 1963, le FFS et Aït Ahmed n'ont cessé de s'opposer aux stratégies d'accaparement, de détournement, de putsch, de neutralisation, de régression et de montage de grandes messes à usage de rouleau compresseur », indique Karim Tabbou, paraphrasant une déclaration du premier secrétaire, Ali Laskri, faite le 23 mai 2006. Ce « prologue d'actualité » a été rédigé suite à une déclaration faite par le SG du FLN, Abdelaziz Belkhadem, qui appelait à l'amendement de la Constitution. Laskri qui ne fait pas dans la dentelle n'avait pas besoin de trop réfléchir sur le choix du titre. Sans quartier. « L'alternance clanique : une Constitution pour chaque mandat présidentiel », lit-on en haut du document. En introduction, le propos est tout aussi explosif. « Le secrétaire général du FLN, et néanmoins ministre d'Etat et représentant personnel de Abdelaziz Bouteflika, déclare que la révision de la Constitution est à l'ordre du jour. Il en fait un impératif dont tout semble indiquer qu'il deviendra dans les semaines à venir “une urgence dans l'Etat d'urgence''. (...) Les Algériens, ceux qui s'en souviennent comme ceux à qui l'on doit Dire (ndlr : en majuscule dans le texte), ceux qui ont Vu (ndlr : en majuscule dans le texte) et ceux que l'on doit aider à Voir (ndlr : en majuscule dans le texte) réaliseront que cette opération n'a rien d'inédit. A toujours vouloir fuir les vraies solutions, le système répète insidieusement et impunément les mêmes manœuvres : occulter les impasses politiques par le recours aux plébiscites, sous peine d'effondrement de la Révolution, des institutions, de l'Etat, ou de la République. Quand il n'est pas fait recours au sacro-saint alibi de l'unité nationale. » La lutte depuis 1963 Dans la foulée, le parti n'omet pas de rappeler les étapes « noires du terrain politique algérien ». Le FFS insiste en effet sur cette « construction démocratique telle que perçue par le pouvoir et qui est inéluctablement vouée à une démolition certaine ». « En 1963, on a confectionné une Constitution à la hussarde, concoctée dans un cinéma et qui s'était hélas substituée à la première représentation nationale de l'Algérie indépendante. L'impératif et l'urgence officiels étaient de sauver la révolution. On a tout fait pour asseoir le pouvoir d'un clan par l'intronisation d'un homme providentiel, Ben Bella. Cette Constitution n'a pas empêché le coup d'Etat de 1965. A la tribune de l'Assemblée, Hocine Aït Ahmed proteste… Il ne sera pas écouté. En 1976, une Charte-Constitution scellée a plébiscité l'impératif et l'urgence de mettre en place des institutions pérennes qui devaient survivre aux hommes. Résultat : la consécration du clan et du chef providentiel, Boumediène. Souvenons-nous qu'en 1989, après une révision quatre années auparavant pour desceller l'ancienne Constitution, le système malade de ses déséquilibres internes, décide unilatéralement d'un nouveau texte constitutionnel. L'impératif et l'urgence officiels après les événements d'octobre 1988 étaient une libéralisation de l'espace politique et de l'expression sociale. La finalité de la manœuvre : donner un nouveau souffle au système et libéraliser l'économie en contrepartie de la reconnaissance des associations à caractère politique. Cette fois pourtant de l'intérieur du sérail, l'équipe des réformateurs de Mouloud Hamrouche tente une ouverture par effraction du système sur la société. Ils ne seront pas écoutés. Boudiaf, président intérimaire dans le HCE est assassiné, Zeroual est coopté ; souvenons- nous des événements de 1991 et 1992. La Constitution, déjà peu ou pas appliquée, se voit neutralisée puis suspendue sine die ». Possible retour à l'APN... Le ton est encore plus sévère lorsqu'il s'agit de débattre du Parlement. Ses deux chambres, aux yeux du FFS, ne sont ni plus ni moins que des « organisations de masse », enclines à une éternelle « main levée », tandis que les problèmes du citoyen sont relégués en seconde position. « Plus qu'une chambre d'enregistrement, le Parlement se donne même le luxe de soutenir le projet d'une nouvelle constitution alors que la logique voudrait qu'il y ait d'abord débat, et que ce débat soit en principe proposé par l'auteur du projet », relève Karim Tabbou. Selon le FFS, l'APN gagnerait en crédit lorsque les vrais problèmes auront droit de cité à l'hémicycle. « Dénoncer le licenciement abusif de plusieurs travailleurs de l'Etusa est pour nous une priorité qu'il faut porter à un plus haut niveau. Pourquoi l'APN n'en discute pas ? Pourquoi continuer à éluder les problèmes auxquels sont confrontés les syndicalistes du Cnapest, du Cnes, ou du Snapap ? Pourquoi persiste-t-on à marginaliser des pans entiers de la société à l'exemple des familles des disparus ? Où sont les droits de l'Homme ? » Autant d'interrogations qui, martèle le FFS, constituent en fait les véritables priorités. « Au point où le parti est devenu par la force des choses un espace où toutes les forces vives s'y retrouvent », aime à souligner Karim Tabbou. En 1997, le FFS prenant part aux élections législatives, avait obtenu 20 sièges. Pas assez suffisant pour renverser la vapeur, mais la hargne des députés pour le changement n'avait pas d'égal chez les « autres ». Les « autres », ce sont les formations politiques qui acceptent le « moule électoral », consistant à dire « oui » à tous les projets de textes qu'on leur soumettait. « Un député FFS n'est pas un carriériste. Nos concitoyens, du moins ceux qui ont voté pour nous, témoignent encore de l'engagement sans faille de l'élu dans la défense des intérêts du pays », signale Karim Tabbou. La concertation est cependant ouverte aujourd'hui à tous les niveaux afin de décider si le parti est partant ou pas à la prochaine législature. On en discute dans les sections communales, en conseil des élus, au niveau du comité de l'audit et en conseil national. Toutes ces joutes ont lieu avant la convocation du collège électoral. « D'ici là, nous aurons le temps nécessaire pour parvenir à une décision que nous estimons d'emblée bénéfique aussi pour le parti. Il y va pour la construction démocratique que le FFS s'attelle à concrétiser depuis 1963 », souligne le parti d'Aït Ahmed.