Après un « exil » qui aura duré 12 ans, le célèbre auteur compositeur Idir est rentré en compagnie de Zinedine Zidane, lundi dernier. Nous l'avons rencontré à Boumerdès et c'est avec plaisir qu'il a accepté de nous parler de cette visite, de ses projets, de la chanson kabyle... C'est ainsi que celui qui a porté la chanson algérienne aux quatre coins du monde nous apprendra qu'il prépare un nouveau disque sur proposition de son producteur, Sony. « Ce sera un disque avec les jeunes chantant le rap, le hip hop... Le produit, auquel seront associées d'autres célébrités, s'appelle « la France des couleurs ». J'ai dit que j'étais de nationalité algérienne et que cela ne conviendrait peut-être pas au projet. Mais on m'a répondu : un concept en mesure de fédérer les différentes composantes de la société française », explique l'auteur de la célèbre chanson Avava Inouva. A la question de savoir si le produit a un rapport avec l'actualité et la situation des émigrés, Idir précise que : « c'est certainement lié à cela, surtout qu'il sortira juste avant l'élection présidentielle ». Idir nous dira aussi que le disque sera quelque peu différent de ce à quoi il nous a habitués, vu que « l'autre partie met quelque chose dans ce projet et moi, je suis ainsi obligé de m'arranger en fonction de cet apport. » Dans un autre chapitre, notre interlocuteur nous confiera que « des contacts sont actuellement en cours pour préparer une tournée dans le pays au printemps prochain ». Cette rencontre a été l'occasion d'aborder la chanson kabyle avec celui qui, au début des années 1970, lui a donnée un nouveau souffle. Il dira à ce propos qu'à présent « il est clair que la chanson kabyle a besoin d'une relance, que seuls ses enfants pourront apporter. Nous constatons qu'il y a actuellement un côté sympathique, ouvert avec l'avènement de nombreux jeunes sur la scène, mais l'envers du décor c'est qu'on nous offre uniquement des chansons de consommation. Les gens se suivent et se ressemblent, ils adoptent la facilité pour plaire alors que l'artiste n'est pas là pour plaire. Cependant, il se glisse dans le tas quelques rares cas qui méritent d'être suivis. Mais globalement, je crois que nous n'avons pas encore atteint le niveau qui puisse nous permettre de donner une dimension plus grande à la chanson kabyle qui reste linéaire avec une texture assez étroite qui n'a rien de jaillissant. Alors que la chanson rai par exemple est interprétée par des gens qui ont généralement une belle voix et qui sont décomplexés sur pas mal de questions. Cela nous amène à dire que la chanson kabyle a besoin d'être décomplexée. Takfarinas par exemple a œuvré dans ce sens. Actuellement, il y a les non-stop qui foutent un peu la pagaille, mais dans l'ensemble, il peut avoir peut-être quelque chose de positif », explique Idir. Avant d'ajouter : « le militantisme des années 1970 et la prise de conscience ont diminué. Il ne suffit pas de dire : je suis Amazigh. Tu es Amazigh, et après ? Tu n'as pas inventé la poudre ; moi aussi je le suis. La question qui se pose est la suivante : qu'est-ce que tu vas apporter avec ton amazighité ? Peux-tu en faire un outil de production, de changement ? » Catégorique Idir porte l'estocade : « Là où la culture et l'éducation ont failli, il ne se passe rien de bon. Et cela est bien dommage ». A quel niveau faudra-t-il intervenir pour changer les choses ? Il répond que « cela devra se faire à différents niveaux : l'éducation, la technique musicale, l'approche de la composition, la manière d'écrire le texte (car il faut distinguer le texte de la chanson de la poésie) et il faut surtout faire la différence entre le talent et le savoir-faire. Il faut que les gens qui ont du talent s'appuient sur ceux qui savent faire. Il faut inculquer aux gens de nouvelles méthodes de travail. » Idir constate que les artistes algériens ont effectivement beaucoup plus de possibilités d'avancer à l'étranger. « En Occident, il y a un terrain sur lequel chacun peut se produire, s'exprimer. Et en plus, il y a les moyens et les capacités. Ce n'est pas toujours évident chez nous », dit-il. Toutefois, il refuse de « juger ou de commenter le travail des artistes qui vivent en Algérie ». Il nous dira en conclusion que la visite de 2 jours qu'il vient d'effectuer en Algérie, lui a fait beaucoup de bien. Et il ajoute qu'il est impatient lui aussi de retrouver son public dans son pays.