La forte participation de la société civile au forum sur la corruption organisé par El Watan, jeudi dernier à l'hôtel Mercure à Alger, en présence de Mme Huguette Labelle, la présidente de Transparency International (TI), montre une réelle prise de conscience sur les effets néfastes de ce fléau non seulement sur le développement du pays mais également sur ses valeurs et sa cohésion sociale. Devant un parterre composé d'anciens Premiers ministres, de ministres, de hauts responsables, de membres d'associations, de spécialistes, d'étudiants et des invités, Mme Fatiha Talahit, chercheur au Centre de recherche scientifique français (CNRS), le professeur Jean Cartier-Bresson, de l'université de Versailles et, bien sûr, Mme Huguette Labelle ont dressé non seulement un constat douloureux, mais ont fait état également de quelques techniques de lutte contre ce fléau, ayant donné des résultats satisfaisants. Si les deux premiers intervenants, M. Cartier-Bresson et Mme Talahit, ont axé leurs communications, respectivement, sur le volet académique et sur l'historique de la corruption en Algérie (voir les autres articles), la présidente de Transparency International a guidé le débat vers des exemples concrets sur les effets dévastateurs de la corruption. « Ce fléau alimente la pauvreté et la violence, détruit la fibre nationale de la société et transforme les valeurs saines en valeurs immorales. Son coût est tellement élevé qu'il est impossible de le quantifier », a déclaré Mme Labelle. L'exemple le plus frappant, a-t-elle noté, est celui du Nigeria, dont la richesse a toujours profité aux dirigeants. « Ce pays riche vit dans une pauvreté extrême, parce que ses dirigeants ont toujours détourné ses ressources pour les utiliser à des fins personnelles », a-t-elle fait remarquer. Le débat a montré, néanmoins, que la lutte contre ce fléau est possible pour peu que l'on clarifie, a déclaré M. Cartier-Bresson, le débat sur les fonctions ou le rôle de l'Etat dans le développement d'un pays. Selon lui, ce fléau doit être combattu par la lutte contre l'informel et l'évasion fiscale, estimant que la croissance économique empêche le travail informel, à travers la création d'emplois. Mme Talahit a quant à elle estimé que pour lutter contre la corruption, il faut rendre celle-ci très coûteuse, en éliminant tous les facteurs de tentation à travers une meilleure valorisation des salaires des agents de l'Etat. Les trois invités ont, par ailleurs, estimé qu'aucun pays au monde ne détient le monopole de l'intégrité et qu'en matière de lutte contre la corruption, il n'existe point de recette. La présidente de Transparency International a, cependant, beaucoup axé son intervention sur l'importance de la dénonciation et son éloignement du système de règlement de compte à travers des mécanismes de contrôle, de suivi et d'audit. « Il faut adopter une stratégie crédible soutenue par les gouvernements, les parlementaires et la société civile et appuyée par deux secteurs fondamentaux, la justice et les finances. » La conférencière a mis le doigt sur les vraies segments qui alimentent la corruption en Algérie et bloquent tous les efforts consentis en matière de lutte contre le fléau. En bonne experte, elle a expliqué que pour combattre le phénomène, « il faut un système financier performant et une justice indépendante ». En plus de ces deux facteurs primordiaux, Mme Labelle a noté que pour réussir le défi, il faut néanmoins avoir « une presse libre et responsable et une meilleure liberté d'association ». Les débats ont permis également de savoir, à travers des exemples concrets, que la transparence dans la gestion des recettes du pétrole, dans la répartition des marchés publics, dans l'élaboration du budget de l'Etat, et son accessibilité au grand public peuvent être les meilleurs moyens pour limiter la corruption. Mme Labelle a beaucoup insisté sur ce qu'elle a appelé les solutions durables qui, d'après elle, appellent à un débat auquel doivent prendre part tous les acteurs de la société, pour peu qu'ils soient réellement engagés dans ce combat. Il est important, a-t-elle conclu, que les fonds détournés par les corrompus et placés dans des paradis fiscaux, puissent-être récupérés par les Etats. « Nous, notre organisation présente dans 140 pays soutient les efforts des Etats pour recouvrir leurs capitaux détournés et placés dans des paradis fiscaux. Nous voulons que les fonds détournés ne puissent plus trouver des lieux sûrs pour les placer », a-t-elle dit.