On le disait fini, impopulaire et rejeté par la population irakienne. Il était facile d'apposer une signature au bas d'un document décrétant la mort du parti Baâth irakien, mais celui-ci résiste avec des moyens insoupçonnés, et dispose d'une force telle que ses ennemis les plus irréductibles viennent de décider de faire marche arrière. En fait de le ressusciter. Rien de plus. C'est la grande surprise de la prochaine conférence de réconciliation en laquelle les dirigeants irakiens, mis en demeure de prendre la situation en main par le rapport de la Commission Baker, fondent tous leurs espoirs. Et d'un trait de plume, le paysage politique devient autre, y compris la résistance irakienne sur laquelle beaucoup de choses ont été dites, sans trop de certitude, il est vrai. Aucun nom n'a filtré, et aucune information n'a été donnée sur les conditions qu'ils pourraient poser à leur participation, mais des partisans de l'ancien régime, c'est-à-dire de l'appareil politique et idéologique de Saddam Hussein, devraient participer à la conférence de réconciliation nationale irakienne qui devait s'ouvrir hier à Baghdad. Ce qui relance le débat sur la possible réintégration au sein des institutions d'anciens membres du parti Baâth. « Il y aura des membres du Baâth (ancien parti unique au pouvoir), je suis sûr qu'ils auront quelques représentants », a déclaré le porte-parole de la réunion, Naseer Al Ani, également membre du Parti islamique irakien (sunnite). « Ils ont été invités, et ils devraient au moins envoyer des représentants », selon M. Ani. Promise début décembre par le Premier ministre Nouri Al Maliki, la conférence de réconciliation nationale se tient dans un climat de profonde division politique et de violences confessionnelles entre communautés chiite et sunnite. La participation des Baâthistes est l'un des principaux points d'achoppement de la conférence de réconciliation, dont la tenue est restée longtemps incertaine. Une partie des responsables chiites, notamment le leader radical Moqtada Sadr, juge inacceptable la présence de membres de l'ex-parti unique de Saddam Hussein, les chiites ayant souffert de la répression du Baâth. « Ils viendront exposer leur position », a confirmé un député chiite, Abbas Al Bayati, membre de Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), une des principales formations chiites. « Le parti Baâth est interdit, selon l'article 7 de la Constitution, mais à titre individuel, ses membres peuvent participer » à la conférence, a souligné M. Bayati, promettant également la présence d'anciens officiers de l'armée de Saddam Hussein. Adoptée à l'initiative des Américains dès le renversement du régime de Saddam Hussein en 2003, une loi visant les membres de l'ancien parti unique avait écarté des postes à responsabilité de l'armée, des institutions et de la Fonction publique des dizaines de milliers d'adhérents du Bâath. La conférence se penchera sur la possibilité de limiter à 2000 le nombre des personnes concernées par cette loi, selon M. Bayati. Toujours selon ce député, « le gouvernement souhaite ainsi étudier la possibilité de payer une pension de retraite ou réintégrer dans leur fonction », au sein de l'administration comme de l'armée, d'anciens membres du Baâth. Autre acteur politique majeur, le Comité des oulémas musulmans (sunnite) « n'a pas été formellement invité. Mais, s'ils le souhaitent, ils peuvent venir », a, par ailleurs, souligné le porte-parole de la conférence. Le Comité des oulémas musulmans, dont le leader le cheikh Hareth Al Dhari est actuellement réfugié à l'étranger, a annoncé qu'il boycotterait la réunion. Les groupes armés et milices « ne seront pas représentés en tant que tels », même si certains de leurs membres « pourront être présents », a assuré le porte-parole du gouvernement, Ali Al Dabagh. « Le dialogue doit inclure tout le monde. Nous devons discuter avec quiconque veut prendre part à la reconstruction de l'Irak », a dit M. Dabagh. Entre 200 et 250 personnalités sont invitées. Leurs noms ont été soigneusement gardés secrets. De son côté, le président américain George W. Bush, pourtant pressé de toutes parts, prend non seulement son temps avant d'annoncer une nouvelle politique pour l'Irak, mais il ne donne aucun signe d'être prêt à un changement radical. A priori, M. Bush a remis, à janvier, l'annonce d'une nouvelle politique à laquelle il s'est résigné après avoir opiniâtrement défendu pendant un an sa « stratégie pour la victoire », jusqu'à la défaite de son camp aux élections parlementaires du 7 novembre. M. Bush doit, au sein d'un nouveau plan, fournir des réponses qu'il n'a pas trouvées pendant bientôt quatre ans d'un conflit désormais plus long que la Seconde Guerre mondiale pour les Etats-Unis. Il consulte tous azimuts, avec les membres de son administration, le gouvernement irakien et les dirigeants étrangers. Lundi, il fera prêter serment à un nouveau secrétaire à la Défense, Robert Gates, un pragmatique, à la différence de son prédécesseur. Il faisait partie du groupe de personnalités qui a planché sur l'Irak pendant des mois et dont le rapport a fait grand bruit. Beaucoup de coïncidences en si peu de temps. Mais les démarches semblent nombreuses, et aussi pressantes que surprenantes par certains aspects. Il y a le feu à la maison.