La plateforme pétrochimique que beaucoup envient, à tort ou à raison, aux Skikdis, est-elle ce supposé eldorado de l'emploi ou n'est-ce tout simplement qu'une chimère ? Le deuxième pôle des hydrocarbures du pays est présenté comme étant un « ogre de l'emploi » et les multiples projets qu'il aura à abriter dans le futur suscitent déjà pas mal de questionnements, voire des appréhensions. La dernière mise à l'écart de 34 jeunes est venue se glisser comme un grain de sable dans la machine populiste de l'emploi et asséner un coup dur au slogan « Sonatrach entreprise citoyenne » si chère pourtant à Chakib Khelil. Trente-quatre jeunes, pères de familles dans leur majorité et bénéficiant de plus de six années d'expérience comme chaudronniers et mécaniciens au niveau du complexe pétrochimique de Skikda (CPIK) ont été mis à la porte et d'une façon si « légale » que cela ne semble déranger personne. Certains ont exercé dans ce complexe qu'ils connaissent parfaitement et dans ses moindres détails depuis plus de dix années et le dernier d'entre eux cumule plus de trois années d'expérience. Pourquoi ont-ils été mis à la porte ? Pour répondre à cette question, il faudrait d'abord revenir à quelques années en arrière quand l'entreprise nationale des industries pétrochimiques (Enip) décida de sous-traiter quelques travaux au niveau de ses complexes de Skikda et d'Arzew. Ainsi, et par cahier des charges interposé, Enip se liait par contrat avec des entreprises tierces pour des travaux bien déterminés. Les 34 jeunes avec d'autres, une cinquantaine, se sont ainsi retrouvés à se « faire vendre » d'année en année. Ils ont travaillé pour plusieurs sous-traitants, dont la société de maintenace industrielle (Somind). Cette dernière entreprise les avait employés auparavant, et à la rupture de son contrat avec le CPIK, une partie du personnel qu'elle employait avait décidé de la poursuivre en justice pour plusieurs considérations ayant trait au monde du travail. Certains avaient même obtenu gain de cause. Bref, après Somind, les jeunes avaient offert leur savoir-faire à d'autres sous-traitants jusqu'à la fin de cette année. Postulant pour le marché de la sous-traitance, Somind a réussi à le décrocher pour revenir au CPIK et a décidé par la suite de remercier les travailleurs. A ce propos, le responsable syndical de Somind nous déclarera ceci : « Comment voulez-vous qu'on réintègre les mêmes personnes qui nous avaient poursuivis en justice il y a quelques années et qui nous ont causé un préjudice moral et financier. Pour nous, les choses sont claires, on n'a pas de faveur à faire à ces jeunes au détriment des autres et nous sommes sommés d'appliquer la loi dans toute sa rigueur ». Il expliquera par la suite : « Notre entreprise a décroché le marché et nous sommes tenus de passer par l'Alem pour tout recrutement, ce que nous avons fait en toute transparence ; d'ailleurs tous les candidats envoyés par l'Alem sont en train de passer des tests d'aptitude. La loi nous oblige de passer par l'Alem et nous n'avons pas à recruter des jeunes sur place ». Légalement, Somind est dans son plein droit et agit conformément aux lois relatives au monde du travail, même si sa fermeté semble un peu entachée d'un brin de « vengeance ». En fait, le problème n'incombe pas dans sa dimension globale à Somind. Il n'est que la résultante de la « trouvaille » de nos entreprises publiques qui payent des entreprises au prix fort pour leur réaliser des travaux qui leur auraient coûtés moins cher si elles avait gardé leur propre personnel. Mais mettons cela sous le volet de l'externalisation, à l'algérienne bien sûr ! Un autre souci risque de ressurgir dans cette histoire puisque le lieu de travail des nouvelles recrues, les chaudronniers surtout, se situera dans une zone très sensible, le complexe pétrochimique en l'occurrence avec toutes ses unités. La sécurité des installations exige un personnel hautement qualifié et nous croyons savoir que Sonatrach s'est toujours efforcée de faire de la sécurité une priorité. Une exigence même. Finalité de l'histoire : une quarantaine de jeunes de famille vont se retrouver au chômage après des années de service… On recrutera d'autres jeunes à leur place. Ces recrutements seront comptabilisés comme étant de nouveaux placements qu'on s'empressera de porter sur les paperasses pour gonfler le chiffre de l'emploi alors que dans la réalité ce ne sont là que des postes tournants. Ils tournent depuis des années déjà et servent beaucoup plus de « caisse noire de l'emploi » et de « bourse des affaires ». Mais personne ne sait qui en profite réellement, enfin il y'en a qui savent !