Décédé d'une crise cardiaque en juillet dernier, le regretté historien Mahfoud Keddache a légué une œuvre monumentale. Mahfoud Keddache incarnait à la fois les valeurs cardinales de l'humanisme, l'engagement pour les causes justes, le combat frontal contre le colonialisme français. Il est considéré comme un historien ayant tutoyé à bon escient l'histoire algérienne à travers l'antiquité, le nationalisme et les mouvements de libération algériens ou encore la résistance de l'Emir Abdelkader. Il s'investissait dans les interstices de l'histoire algérienne. Mahfoud Keddache est né en 1921 à La Casbah d'Alger, où son père est mandataire à la rue de la Lyre. Il est initié dès son jeune âge aux vicissitudes de la vie. Il exerce plusieurs petits métiers : marchand de légumes, vendeur de savonnettes et de produits de beauté. En parallèle, il mène de brillantes études. Certificat d'études, brevet élémentaire, brevet supérieur, licence d'histoire et, quelques années plus tard, un doctorat d'Etat. Il devient un des animateurs principaux des SMA (Scouts musulmans algériens) créés en 1939, alors que les premiers groupes scouts sont fondés en 1936. Les autorités coloniales ne sont pas restées indifférentes aux activités des SMA. A leur égard, elles sévissent par la répression. Adolescent, Keddache assume ses responsabilités. Il est commissaire local puis chef du groupe El Kotb en 1940. En 1941, le président des SMA, Mohamed Bouras, est condamné, puis fusillé. Avec ses amis des groupes El Kotb, il prend part au défilé du 1er mai 1945. Durant l'année 1946, sont créés plusieurs camps avec les scouts français. Keddache était alors secrétaire général. Au cours des manifestations internationales à Prague, plusieurs chefs scouts affichent leurs liens avec le PPA. A la guerre de libération nationale, Keddache répond présent. Il est menacé par un article du journal Rival, puis échappe à deux tentatives d'assassinat par l'OAS. Après l'indépendance, il se consacre à la recherche, une aventure intellectuelle qui intervient dans un contexte politique difficile. Les organisations de masse sont contrôlées et deviennent des satellites du pouvoir et la liberté d'expression est asphyxiée. Mahfoud Keddache a écrit quatorze ouvrages. Exemple de cet héritage, L'Algérie médiévale (Edition Enal, 1992). En 1993 est publié Histoire du nationalisme algérien (édition Enal). En deux volumes, l'historien analyse la période 1919 à 1951 du mouvement national algérien. En 2003, Keddache publie L'Algérie des Algériens, de la préhistoire à 1945 (éditions Paris-Méditerranée). Cet ouvrage regroupe quatre volumes. La disparition de Mahfoud Keddache est une grande perte pour l'Algérie. Il a légué aux nouvelles générations une œuvre prolixe où elles peuvent retrouver leur identité et leurs repères.