La pluie, alliée légendaire des amoureux de la terre, dénude les mauvais gestionnaires. En Algérie, elle dévoile, chaque hiver, les limites de la gouvernance bureaucratique. Les villes et villages qui, selon le premier responsable du pays sont « trop sales », sont submergés d'eau. La raison est simple : les réseaux d'évacuation ne sont jamais curés. Les services communaux donnent, souvent, l'impression de découvrir les failles. Ce n'est qu'une fois la catastrophe installée, qu'on fait semblant, dans un cafouillage parfois amusant, de tenter de remédier à la situation. Et là, « la magie » joue : les moyens de l'Etat apparaissent, les responsables locaux descendent sur le terrain et l'argent coule à flots. Comme si la puissance publique n'existe que dans la périphérie des cataclysmes et des urgences. L'état déplorable des routes et des rues, la détérioration des trottoirs et l'obstruction des conduites d'eau peuvent être constatés, à tout moment, dans n'importe quelle ville ou région du pays. A ce niveau-là, il y a également une sorte de « consensus national » sur le laisser-aller. A qui la faute ? Les présidents d'APC accusent les chefs de daïra de leur bloquer les finances. Les chefs de daïra reprochent aux présidents d'APC de mal planifier les projets. Et les walis ne font pas trop confiance aux chefs de daïra et aux présidents d'APC. Les walis, qui agissent sans aucun réel contrôle populaire, prennent tout leur temps dans « l'étude » des dossiers et des projets. Sinon, ils attendent « l'aval » du ministère de l'Intérieur qui, lui, fera appel à d'autres cercles de décision, dont la présidence de la République. Cette diagonale des fous est la résultante évidente d'une absence totale de démocratie dans la gestion des affaires publiques, d'abord. Et ensuite, elle est liée au refus de l'Etat de se réformer. Le célèbre rapport Missoum Sbih, sur la réforme de l'Etat, meuble désormais les archives de la République. Aucune ligne n'a été mise en application. C'est du moins ce que sait l'opinion publique. On veut que tout se décide au niveau central. Elus, les responsables communaux n'ont, dans la pratique, aucun pouvoir. Les chefs de daïra, qui ajoutent une épaisseur graisseuse au travail de l'administration publique, servent d'intermédiaires alors que leur savoir-faire aurait été plus profitable si l'Etat fonctionnait selon les normes. Désignés, les walis savent qu'ils ne sont pas comptables devant les populations dont ils ont la charge. Ils font alors ce qu'ils veulent en attendant le décret présidentiel de changement d'affectation. A ce jour, l'Etat n'a établi aucun bilan complet et public sur la gestion d'une seule wilaya. Aussi, les Algériens ne comprennent-ils pas les critiques du président de la République adressée aux walis. Qui a nommé ces walis ? Qui a « centralisé » la décision ? La responsabilité du chef de l'Etat est pleinement engagées si l'action des walis est inefficace et si ces mêmes walis ne reçoivent pas les citoyens. Les Algériens sont-ils mieux reçus, en nombre et en qualité, au siège de la présidence de la République ? Reste une énigme : comment, de quelle manière et quand les retombées positives des 100 milliards de dollars injectés dans les programmes de développement vont être perçues par la population ? Heureusement que la pluie n'a pas besoin de plan.