Mouvement de grève en perspective dans les établissements du secondaire. La « cause » des syndicats semble cette fois-ci gagner en altitude, à la dissemblance des précédents mouvements de contestation. « La mobilisation à laquelle nous appelons transcende le souci immédiat du devenir des enseignants des lycées techniques, de la sauvegarde des postes d'emploi, il s'agit plutôt de défendre le droit des générations futures à l'enseignement technique », déclarait, hier, le ton grave, Osmane Redouane, porte-parole de la Coordination des lycées d'Alger (CLA). La « menace » n'aurait pour ainsi dire rien d'un mauvais canular de fin d'année. Le plan gouvernemental portant « démantèlement » de l'enseignement technologique, mis en œuvre depuis une année par le département de Benbouzid, malgré les dénonciations des syndicats de l'éducation, notamment le Cla, le Satef et le Cnapest, entrera cette année dans sa phase la plus critique. D'après les syndicalistes, il faudrait s'attendre à une suppression de plus de la moitié des filières techniques, la fermeture de tous les ateliers et éventuellement le transfert de l'encadrement pédagogique des lycées techniques au secteur de la formation professionnelle. Plus de 80% de cet encadrement, représentant quelque 6000 enseignants, devrait passer, si la décision du ministère de l'Education nationale devient une réalité, sous la coupe du département de la formation professionnelle. Les animateurs de la Coordination nationale des lycées techniques et technicums (CNLTT), qui annonçaient, hier, leur décision d'aller, en désespoir de cause, vers une grève qui paralysera tous les lycées du pays, le 16 janvier prochain, affirment néanmoins que dans le cas présent, les revendications « corporatistes » sont loin d'être les plus importantes. Car « d'ici quelques années, les 250 lycées techniques de l'Algérie n'existeront plus », souligne Bendaikha, membre de la Coordination Centre. D'autres syndicalistes mettent en avant le fait que la « restructuration » du palier secondaire telle qu'elle est voulue actuellement par le gouvernement « réduit fortement l'offre pédagogique ». La réorganisation des disciplines dans les lycées techniques aurait entraîné cette année la diminution de 70% du volume des savoirs techniques et la sous-représentation des disciplines techniques dans les nouvelles options du bac. A titre d'exemple, les candidats dans les filières technologiques ne représentent en Algérie, pour l'année 2006, que 7,55% du nombre global des candidats. En France, il est de 48,69 %. La situation n'ira pas en s'améliorant puisqu'en 2007, le gouvernement réduira de moitié le nombre de filières technologiques qui passera de dix à cinq filières. Alors qu'en France, soutiennent les syndicalistes, le nombre de filières est de 260. Ce constat signifie, d'après Osmane, que « l'Etat se désengage » du secteur de l'éducation, et confirme la tendance qu'ont les réformes à appliquer une certaine « sélection précoce ». Les jeunes issus des milieux populaires n'auront plus droit à une formation technologique de qualité, mais ils devraient par contre servir à « occuper les comptoirs d'esclaves », dira Osmane, conformément à la division internationale du travail où les pays du Sud sont relégués aux rôles de tâcherons.Cette grève, annoncée hier par la Coordination Centre des lycées techniques (CLT), servira, d'après Bendaikha, à alerter, dans un premier temps, et l'opinion publique et les autorités tutélaires quant à la nécessité de sauvegarder ce type d'enseignement pour le « bien des générations futures ». La CNLTT, comme nous l'avons annoncé dans notre édition d'hier, a été mise en place après la Conférence nationale des lycées techniques, organisée en début de semaine et parrainée par de nombreux syndicats et associations. Dans une lettre ouverte rendue publique, la Coordination nationale des lycées techniques et technicums interpellera le ministre de l'Education afin d'ouvrir un dialogue autour des recommandations de la Conférence nationale des lycées techniques. A défaut de quoi, la CNLTT menace de mobiliser large pour faire avorter le plan de « démantèlement » des lycées techniques et technicums et le maintien en place du potentiel humain et du patrimoine matériel.