J'ai préféré, pour cette semaine, céder mon petit espace à ces lutteurs de l'ombre que sont les écrivains. Eclater en dehors de toute logique à la manière des romanciers et poètes beatniks, flâner dans les hautes sphères comme les soufis au point de ne pas se faire comprendre, aborder le monde par le truchement de l'écriture automatique comme les surréalistes, tout cela est possible dans ce « métier qui n'a pas changé d'un iota depuis qu'il a été inventé ». L'écriture, dit-on, est faite pour durer, c'est son destin. Plus on cherche à lui tordre le cou, à en faire une esclave obéissante, plus elle se montre versatile, fuyante ; c'est pourquoi, à mon humble avis, il faut laisser ceux qui la pratiquent révéler, indirectement, son côté mystérieux, pour ne pas dire sa nature qui est « la somme de toutes les sommes », selon l'expression d'Ibn Arabi, (1165-1241). Ibn Al Muqafaâ, (721-757), premier grand prosateur de la langue arabe : « Dès qu'un profane entend les belles tournures métaphoriques, il se met à croire qu'il est en mesure d'en faire autant ». Voltaire, (1694-1778) : « Rousseau écrit par plaisir, j'écris pour agir ». Elia Kazan, (1909-2003), cinéaste et écrivain, citant le dramaturge Tennessee Williams, (1911-1983) : « Les grands écrivains ont le sens de ce qui est caché. Ils savent que la vérité n'est pas dans la conclusion. Un bon personnage est celui qui garde une part mystérieuse, quelque chose qu'on ne peut pas expliquer ». Jules Renard, écrivain, (1864-1910) : « Le plus artiste sera d'écrire, par petits bonds, sur cent sujets qui surgiront à l'improviste, d'émietter pour ainsi dire sa pensée. De la sorte, rien n'est forcé. Tout a le charme du non-voulu, du naturel. On ne provoque pas, on attend. » Stéphane Mallarmé, poète, (1842-1898) : « Le monde est fait pour aboutir à un beau livre. » Jean Dubuffet, peintre, (1901-1985) : « Le clavier des mots d'une langue est si pauvre ! Comment les écrivains font-ils pour se débrouiller avec si peu de mots ? » Paul Valéry, poète, (1871-1945) : « Ecrire, c'est une sorte de jardinage. Il faut creuser, bêcher, couper des arbres et des branches... ». « Un auteur, même du plus haut talent, connût-il le plus grand succès, n'est pas nécessairement un ‘'écrivain'' ». « Un homme qui écrit n'est jamais seul. » Paul Léautaud, romancier, essayiste, (1872-1956) : « Tout livre qu'un autre que son auteur aurait pu écrire est bon à mettre au panier. » Thomas Mann, romancier allemand, (1875-1955) : « Il est bon assurément que le monde ne connaisse que le chef-d'œuvre et non ses origines, non les conditions et les circonstances de sa genèse ; souvent la connaissance des sources où l'artiste a puisé l'inspiration pourrait déconcerter son public et annuler ainsi les effets de la perfection. » Claude Simon, romancier, (1913-2005) : « Qui travaille la langue est travaillé par elle. » John Updike, romancier américain : « Un roman imite la réalité, entre autres par une certaine opacité, une fière opacité. Il doit porter ses imperfections comme d'honorables cicatrices. » John Steinbeck, romancier américain, (1902-1968) : « Je ne puis imaginer un romancier sans un récit ainsi que la volonté et la capacité de faire coucher celui-ci sur du papier. » Gabriel Garcia Marquez, romancier bolivien : « Pour moi, le point initial d'un livre est toujours une image. » Umberto Eco, sémiologue et romancier italien : « Si l'on se met à écrire sans penser qu'on va devenir Homère, on est un imbécile. Si l'on commence à écrire, pas de doute, on veut être Homère. Si l'on écrit un article dans un journal, on veut le prix Pulitzer, sans quoi on est malhonnête avec soi-même. » Milan Kundera, romancier tchèque : « Les romanciers qui sont intelligents plus que leurs œuvres devraient changer de métier ». « Le roman n'a de raison d'être que s'il révèle un côté inconnu de l'existence humaine. » Paul Claudel, poète français, (1868-1955) : « Les grands écrivains n'ont jamais été faits pour subir la loi des grammairiens mais pour imposer la leur. » Jean-Paul Sartre, (1905-1980) : « C'est en écrivant que l'auteur se forge ses idées sur l'art d'écrire. » Blaise Cendrars, (1887-1961) : « Ecrire c'est brûler vif, mais c'est aussi renaître de ses cendres ! » La liste des citations est, évidemment, longue, même très longue, car dans le métier d'écrivain, il est possible de discourir à l'infini sans qu'il soit possible pour autant d'en faire le tour.