Ce n'est pratiquement que depuis le second mandat du président Bouteflika que les autorités en charge de l'économie algérienne semblent avoir compris la nécessité, voire même l'urgence, de doter le pays d'une stratégie industrielle qui puisse à la fois préserver le tissu industriel présent et développer sur de bonnes bases un potentiel productif capable de tirer son épingle du jeu d'un marché de plus en plus mondialisé. Les hommes d'affaires aussi bien algériens qu'étrangers ont fait de la nécessité pour le pays d'avoir une stratégie industrielle, sur le court et moyen termes, une de leurs principales doléances. Le forum des chefs d'entreprise ainsi que les syndicats patronaux ne manquent pas de le rappeler aux autorités politiques chaque fois qu'ils en ont l'occasion. La pression ainsi exercée sur l'Exécutif semble avoir porté ses fruits, l'élaboration d'une stratégie étant aujourd'hui devenue la préoccupation centrale de pratiquement tous nos ministres. L'excès de centres de réflexion dans tous les cas organisés en vase clos serait même à déplorer. Il en est ainsi des nombreux ministères en charge de l'économie (Industrie, ministère de la PME et de l'Artisanat, etc.), qui ont pratiquement tous concocté en vase clos une stratégie du ministère des Participations et de la Promotion des investissements qui semble avoir été officiellement désigné comme maître d'œuvre de la nouvelle politique économique du pays, mais également le ministère en charge de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement qui, très officiellement, pilote l'élaboration de projets de schémas directeurs sectoriels, dont certains commencent à être présentés aux autorités compétentes pour approbation. La somme de ces schémas directeurs émanant de tous les ministères concernés, de près ou de loin par l'activité économique, pourrait à notre sens constituer cette nouvelle stratégie économique à laquelle les hommes d'affaires aspirent. Mais pour l'instant, la structure qui semble être publiquement chargée du dossier est le MPPI, qui a présenté pour la seconde fois le projet de stratégie industrielle au Conseil de gouvernement qui, pour des raisons qu'on ignore, ne l'a pas encore endossé. S'ils ne voient aucun inconvénient à ce que le MPPI soit chargé de la conception de la nouvelle stratégie industrielle, les acteurs économiques (FCE, hommes d'affaires indépendants, économistes, etc.), que nous avons interrogés, déplorent tous l'absence de débats publics autour de la question centrale de la politique de développement. Ils redoutent des erreurs que le pays pourrait payer très cher. Ils demandent en conséquence à être associés aux débats, ce que le MPPI ne refuse pas, mais sans pour autant faire le moindre pas dans le sens de cette concertation que des associations patronales réclament depuis fort longtemps. L'élaboration d'une stratégie économique nationale concertée est, en effet, une vieille revendication des syndicats patronaux algériens, mais également des hommes d'affaires étrangers, en quête de visibilité sur les choix stratégiques du pays et les grandes lignes d'aménagement de son territoire. Après plus de 15 années de réformes économiques et sociales, on ne sait, en effet, toujours pas si l'Algérie a opté pour une économie de marché à connotation sociale ou pour un système purement libéral ? La confusion entre le service public et l'entreprise publique économique continue toujours à être entretenue alors que le choix s'impose pour avancer dans le sens de la privatisation ou du maintien du secteur public. Qu'est-ce qu'une entreprise publique stratégique autour de laquelle on veut aujourd'hui structurer le développement ? Quelle place pour les hydrocarbures en perspective de l'après-pétrole ? L'Algérie a-t-elle intérêt à s'appuyer sur un dinar fort ou au contraire faible ? Faut-il développer une agriculture intensive ou une agriculture bio ? Autant de questions dont il faudra nécessairement débattre et trancher pour asseoir une stratégie industrielle efficace. L'absence d'une stratégie issue d'une large concertation entre les plus importants acteurs de l'économie (pouvoirs publics, associations patronales, syndicats, économistes, etc.) est vécue comme un handicap par tous ceux qui souhaiteraient développer, en connaissance de cause, des affaires en Algérie. L'urgence est d'autant plus grande que le Fonds monétaire international n'a plus aucune raison de régenter, ajustements structurels obligent, la marche de notre économie. La fin de mission du FMI, qui a débouché sur le rétablissement des équilibres macro-économiques et l'inauguration de modes de gestion plus libéraux, interpelle les pouvoirs publics algériens sur la nécessité de baliser un chemin éclairé à chacun des secteurs de l'économie nationale. Les investisseurs, aussi bien nationaux qu'étrangers, ont à l'évidence besoin de cette vision d'ensemble pour mieux orienter leur choix et les hommes politiques n'en seraient que plus à l'aise pour programmer sans risque d'erreurs, les projets d'infrastructures nécessaires à l'aménagement du territoire projeté. L'élaboration d'une stratégie économique requiert donc nécessairement une approche multi-sectorielle basée sur un état des lieux précis de chacun des secteurs composant l'économie nationale et la projection de l'avenir de chacun, compte tenu des spécificités des besoins locaux, mais aussi et surtout des exigences des marchés extérieurs. La mondialisation et les accords de libre échange signés par l'Etat en font désormais obligation.