Les commerçants du quartier Sidi Abdelkader de Blida où se trouve la cour qui abrite, depuis lundi 8 janvier, le procès Khalifa, sont contents. Les magasins débordent de clientèle. « Le jour où j'ai loué cet espace, je savais que je ne chômerai plus ! » Gérant d'un petit restaurant, Ahmed avait le sourire des hommes heureux. Pris de court samedi, il n'avait pu répondre à la demande de près d'une cinquantaine de personnes. Un manque à gagner ? Il n'a pas avancé de chiffre mais a laissé entendre que le montant dépassait les 10 000 DA. Le lendemain, c'était l'équilibre parfait entre les prévisions et les consommations, mais la tendance à la mi-journée d'hier était à la baisse. Les jeunes chargés de la surveillance des véhicules dans les parkings aménagés en étaient venus aux mains, les plus jeunes chassés par les plus âgés. La raison était bien simple : « Les gens d'Alger payent sans rechigner. » « Et presque tous portaient des cravates », fera remarquer un jeune. Une station de lavage dans le voisinage du palais de justice a refusé la clientèle. « Tout le monde veut laver sa voiture en attendant qu'il soit cité à la barre et cela lui permet de mettre son véhicule à l'abri : d'une pierre deux coups ! », a conclu un employé. Même les journalistes avaient adopté cette solution le premier jour du procès afin d'échapper à la sempiternelle question de l'assurance contre les vols de poste radio ou du véhicule même. Deux buralistes en face de la cour se montraient satisfaits de la recette quotidienne : plus de journaux qui restent et même le stock de cigarettes étrangères a disparu tôt ! Le grand café en face de la cour faisait subir à sa machine une torture dont elle ne pouvait se plaindre et le gérant a pensé à recruter un employé supplémentaire tout en faisant disposer judicieusement sur le comptoir pizzas couvertes, bourek et cocas que les clients faisaient passer avec beaucoup de limonade. Les mécontents finalement sont les usagers de la route de Ben Boulaïd, lieu où se déroule le procès, qui ont à subir quotidiennement des détours en fonction des pressions sur le procès : arrivée des prisonniers, passage de personnalités à la barre des témoins comme ce fut encore le cas, hier, avec l'arrivée de Sidi Saïd, patron de l'UGTA. Sa rutilante Citroën noire ne peut passer inaperçue et elle sera même escortée par les motos de la police. Comme un VIP ! Un chauffeur de taxi, passant dans le coin, a affirmé que c'était sa dixième rotation uniquement pour la matinée du mercredi et qu'il totalisait pour les deux jours et demi quelque 40 courses pour la même destination : le palais de justice. L'agréable et grand café adjacent au tribunal a dû fermer ses toilettes : « Je ne sais pas si la clientèle fait partie de l'espèce humaine », a tonné le gérant. Il a mis en cause des personnes qui arrivaient même jusqu'à prendre les morceaux de savonnette mis à leur disposition. « Certains ne tirent pas la chasse pendant que d'autres gaspillent des centaines de litres : elles prennent des douches ou quoi ? » « La solution a été trouvée avec la fermeture des toilettes », a précisé l'homme derrière le comptoir. La direction de l'hydraulique a érigé des obstacles interdisant les arrêts et/ou les stationnements le long des murs abritant le siège. Cette situation a créé une anarchie... Les passants, les curieux et les citoyens venus pour d'autres affaires pendantes au tribunal marquaient un arrêt devant la cour et allaient de leurs commentaires : « Vont-ils les juger tranquillement ? », « Arriveront-ils à ramener ‘'ras el Koubba ?'' » sans préciser qui était « la tête de file ». Une avocate a même lancé : « A la cadence où sont citées les hautes personnalités de l'Etat, je crois bien que le procès aura lieu au tribunal militaire. » Blida abrite le siège du tribunal militaire pour la 1 re Région.