La grève fomentée par les armateurs en ce début d'année, aura eu des conséquences dramatiques pour les marins pêcheurs dont les familles auront été privées du mouton de l'Aïd. Pour les amateurs de poissons, ils n'auront manqué ni de privations, ni de surprises. En effet, habituellement, les fêtes de l'Aïd El Kébir ne sont pas propices à la consommation de poissons. Cependant, la trêve des marées ne durait guère plus de quatre jours. En cette fin d'année, l'arrêt de la pêche aura provoqué une disparition des étals de tout ce qui pouvait s'apparenter à du poisson. La pénurie sera telle que de gros malins s'en iront chercher du poisson de substitution à l'intérieur des terres. Il fallait y penser ! Pour cela, il suffisait de se déplacer jusqu'au niveau de la Merdja de Sidi Abed, non loin de Oued R'hiou, où des pêcheurs d'eau douce, forts avisés, leur fourniront du poisson indigène, qu'ils proposent habituellement aux routiers empruntant la RN4. Mais, faire manger du poisson d'eau douce à des habitants de la côte s'avèrera une mission hasardeuse, voire impossible. C'est ainsi que de grosses et de moins grosses pièces de Sandre qui peuplent cette retenue d'eau seront exposées à la poissonnerie de Aïn Sefra, à la place des sardines et autres maquereaux, où il était loisible de mesurer le désintérêt de la clientèle mostaganémoise vis-à-vis de ce poisson à l'allure hirsute. Avec sa très grosse tête ecchymosée et une couleur des plus livide, le Sandre n'attirera pas les foules. Les pièces exposées la veille, seront remises à l'étalage du lendemain. Même la baisse sensible des prix de cession n'aura aucun effet sur la clientèle. Le consommateur mostaganémois n'aura que du dédain pour ce poisson d'eau douce originaire de Hongrie et qui peuple une grande partie du Danube. Si bien qu'avec la fin de la grève des armateurs, il seront ravis de retrouver leur succulente sardine qu'il s'arracheront au prix fort, laissant dédaigneusement le soin à d'autres de consommer du Sandre élevé dans cette mare boueuse du Bas Chéliff. Il est vrai que lorsqu'on a été élevé à la sardine, au rouget de roche et au calamar, on éprouve de la gène à se mettre au poisson d'eau douce. Même les nombreux restaurants spécialisés ont dû se rabattre sur le poisson congelé plutôt que de baisser les rideaux.