La journée d'étude sur la radio publique, qui a eu lieu ce week-end, a implicitement relancé un débat récurrent sur l'ouverture des médias lourds. Les enjeux majeurs de la mondialisation imposent aujourd'hui aux médias lourds algériens d'engager le challenge de la modernisation, non pas seulement sur le seuil technologique, mais aussi dans leur rapport avec la dynamique d'ouverture et de démocratisation de l'expression. Cela vaut pour la télévision, mais tout autant pour la radio qui reste pour de nombreux foyers un canal privilégié de diffusion et d'accumulation de connaissances. Ce n'est pas une exception au sens où des pays forts d'une vieille tradition en matière de radio, comme l'Angleterre et la France, se sont attachés à conforter et affiner la vocation pédagogique de ce média lourd. En l'occurrence, il s'agit de la préservation des espaces de service public dont la permanence n'entre pas en contradiction avec les nouvelles donnes économiques et politiques. C'est ce qui explique que des institutions comme la BBC ou Radio France peuvent coexister avec des chaînes privées et se positionner comme concurrentes sur les créneaux de l'information ou de la culture. A cet égard, il y a lieu de souligner que, même dans un certain nombre de pays européens, l'ouverture des médias lourds est encore toute récente et il avait fallu attendre le début des années 1980 pour que les radios libres voient le jour en France. Pour autant, cela n'a pas remis en cause la présence de l'Etat français à la fois régulateur et acteur de la scène médiatique. Cet exemple a pu faire tache d'huile par la suite et s'imposer dans des pays aussi verrouillés par la dictature que l'avaient été l'Espagne sous Franco et le Portugal sous Salazar. A l'heure de la globalisation, la demande d'ouverture s'exprime aussi dans des pays émergents et, pour s'affirmer, elle doit nécessairement passer par la conjonction du socle citoyen – les radios libres en France étaient nées d'une pression populaire – et du gisement industriel. Les grandes firmes ont vite saisi l'impact qui pouvait être celui des nouvelles radios en tant que supports publicitaires qui captaient un public de consommateurs qui pouvait avoir échappé aux grandes radios traditionnelles. L'ouverture médiatique, dans ce cas de figure, ne pouvait être possible que validée par l'implication des grands groupes qui se sont positionnés en financiers de l'alternative au secteur public. Ce sont des transitions qui ne peuvent cependant pas être plaquées mécaniquement partout dans le monde. Chaque pays doit d'une certaine manière mettre en œuvre sa propre grille de redistribution des cartes. Cela ne peut bien évidemment pas intervenir du jour au lendemain, car une ouverture médiatique ne se suffirait pas à elle-même sans être sous-tendue par une pertinence sociale, économique et politique. Ainsi le débat sur l'ouverture des médias lourds, s'il engage l'Etat, ne peut-il pas occulter la société civile et les grands opérateurs économiques, soit autant de parties prenantes du paysage audiovisuel algérien qui restent à construire. Le désengagement de l'Etat dans un secteur aussi stratégique serait impensable et, d'ailleurs, il ne s'est pas produit dans des sociétés réputées avancées où des radios et des télévisions publiques continuent d'exister, sans que cela porte préjudice à l'initiative privée. En Algérie, où les médias lourds relèvent du monopole étatique, des indices probants tendent à signaler une perception nouvelle par la puissance publique de la problématique audiovisuelle dans un contexte plus large qui est celui de la communication. Les diverses interventions du ministre en charge de ce secteur, M. Djiar, sur le thème précis de l'ouverture médiatique, montre que le sujet n'est pas tabou, même s'il est trop tôt pour affirmer que ce sont des interventions annonciatrices de grandes décisions. Mais la question de la libéralisation des médias lourds est de l'ordre du passage du train de banlieue au TGV. L'ouverture nécessiterait, en amont et en aval, une architecture institutionnelle et réglementaire qui reste à bâtir, dès lors que c'est une question qui sera tranchée par le législateur. L'ouverture est dans cet ordre d'idées un processus dont il faut avoir l'entière maîtrise. Le panel d'acteurs qu'elle peut mettre en action – sur les fronts politique, économique et social – doit s'y préparer dans un réel esprit de concertation sereine, car il s'agit d'un secteur complexe et générateur d'investissements lourds. Il ne s'agit pas seulement de faire l'ouverture, mais aussi de ne pas la rater et de ne pas la dévoyer.