La Mauritanie est sur le point de tourner une page sombre de son histoire et de se lancer sur la voie de la démocratie. En effet, aujourd'hui se déroulera le premier tour de l'élection présidentielle qui devra mettre un terme aux 19 mois de transition, entamée le 3 août 2005. Le Conseil militaire pour la justice et la démocratie, présidé par le colonel Ely Ould Mohamed Vall, a jusque-là tenu sa promesse de conduire le pays vers une alternance démocratique et pacifique au pouvoir. Il s'est engagé à restituer le pouvoir aux civils après cette élection, où pour la première fois le régime en place n'a officiellement pas de candidat. Ainsi, la course est ouverte entre les 19 candidats, même si, au terme d'une campagne électorale qui a pris fin vendredi, trois tendances lourdes se sont affichées. Il s'agit premièrement du leader de l'opposition, Ahmed Ould Daddah, qui s'est présenté au nom de son parti, le Rassemblement des forces démocratiques (RFD), qui compte 15 députés à l'Assemblée nationale élue en novembre (premier tour) et décembre (second tour) 2006. Outre l'ancrage de son parti au sein de la société mauritanienne urbaine, Ahmed Ould Daddah, 65 ans, économiste de formation, est largement apprécié pour son opposition sans concession au régime du président déchu Maâouiya Ould Taya. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi est le second grand favori de ces élections, qui malgré avoir été plusieurs fois ministre sous, notamment sous Ould Taya, a su mobiliser autour de lui une masse importante de la population. Cela en plus d'avoir bénéficié du soutien du Mithaq (la charte), une coalition qui regroupe 18 partis de mouvance de l'ex-majorité présidentielle, aujourd'hui majoritaire au Parlement. Mais la surprise a bien été créée, dit-on à Nouakchott, par le plus jeune candidat, Zeine Ould Zeidane, 41 ans, qui promet des jours meilleurs aux jeunes Mauritaniens. Son aura, il la doit au fait qu'il n'a jamais été au gouvernement, lui qui était pendant de longues années en France où il a étudié avant de devenir enseignant à l'université de Nice. Sans amoindrir l'importance des autres candidats, les observateurs de la scène politique mauritanienne tablent sur un duel au second tour, prévu le 25 mars, entre Ould Daddah et Cheikh Abdellahi. Peu importe le gagnant. Le plus important pour les postulants à la magistrature suprême, comme assurent les prometteurs de leur campagne, est le bon déroulement de ce scrutin, dans la transparence et la neutralité de l'administration. C'est ainsi que le candidat Ould Daddah a averti le CMJD sur les risques qui en découleraient en cas de partialité de l'administration. Les craintes de Ould Daddah ont été vite apaisées par le secrétaire général de la présidence du Conseil militaire qui a réaffirmé, dans une rencontre avec la presse et les observateurs nationaux et internationaux, l'impartialité de l'administration, assurant que toutes les conditions ont été réunies pour la bonne tenue de ces élections. Le renversement de l'ancien président Maâouiya Sid Ahmed Ould Taya semble être « le dernier et le bon », comme le considèrent beaucoup de Mauritaniens rencontrés à Nouakchott. Nombre d'entre eux disent que c'est pour la première fois, qu'ils pourront choisir librement celui qui présidera aux destinées de leur pays. Un candidat, comme l'expliquent-ils, qui aura la sagesse nécessaire pour instaurer la justice sociale et l'équité dans la distribution des richesses de la nation. L'heureux élu aura donc la lourde tâche de remettre sur pied une Mauritanie au bord du gouffre, meurtrie et « à genoux », comme l'ont bien souligné plusieurs candidats lors de leurs meetings de campagne. Même si beaucoup de citoyens reconnaissent les « bienfaits » de la transition qui a permis la mise en place d'un cadre global de la gouvernance et des structures censées répondre aux besoins les plus élémentaires des citoyens. Autrement dit, la voie que devrait emprunter le futur président est déjà balisée. Plusieurs chantiers de réformes ont été, en effet, ouverts durant cette période de transition, tels que ceux de la réforme de la justice et de la réforme économique. Le CMJD a engagé même la réforme de l'armée pour qu'elle puisse répondre aux exigences de l'alternance démocratique et pacifique au pouvoir. Bref, la rupture avec l'ancien système a déjà commencé. Les futurs dirigeants n'auront qu'à poursuivre le travail déjà entamé, car il reflète l'essence même du programme électoral de la majorité des candidats. Les Mauritaniens veulent s'assurer un président qui servira leurs intérêts avant qu'il se serve lui-même. Un espoir qui les conduira aujourd'hui aux bureaux de vote pour élire leur nouveau président.