Comment préserver le patrimoine, en particulier le bédoui oranais dont il est devenu le dernier et unique chantre, lui qui y est venu par hasard après avoir été d'abord formé à l'école du chaâbi ? C'est la question qui taraude Abdelkader Khaldi, une question autour de laquelle nous nous sommes entretenus avec lui avant son entrée en scène à la salle de la maison de la culture de Témouchent où, à l'occasion de la célébration du 17 Octobre, il s'était produit. Accompagné de l'orchestre de wilaya composé de dix-neuf musiciens, le chanteur était ravi d'avoir le soutien d'une formation qui habillait sa prestation par les arabesques que déclinait le solo d'un saxophoniste inspiré, des douces mélopées d'une flûte ou des taqassim d'un luth mélancolique. Enthousiaste comme à l'accoutumée, le contact chaleureux avec le public, Khaldi chante en s'efforçant de le gagner et de la garder au profit d'un genre où l'écoute prime, un genre où le verbe l'emporte par sa densité, un genre dont le lexique charrie les archaïsmes et où les règles de versification sont si draconiennes qu'il est difficile pour un non-averti d'en suivre les méandres à travers des vers enrobés d'une multiplicité de métaphores toutes renvoyant à une bédouinité dont il ne reste chez le public que des lambeaux de souvenirs. La façon de chanter chez Khaldi s'en ressent à cause de son désir de transmettre la richesse poétique des chansons qu'il interprète. Cela se ressent dans sa façon de saccader pesamment une rythmique déjà marquée dans le bédoui oranais que dans le bédoui saharien. Il le fait par nécessité d'articuler au maximum de façon à rendre intelligible le chi'ir el melhoun. Il le fait, ce que n'ont jamais consenti les chouyoukh, jusqu'à accompagner du geste une expression ou un mot pour en éclairer le sens.