Une ovation a ponctué le spectacle. Plus surprenant encore, une bonne partie du public ne quitta la salle que lorsque les comédiens en partirent, non sans les avoir approchés pour les féliciter de vive voix. Les spectateurs demeuraient toujours sous le charme d'une représentation gorgée d'une profusion d'esthétisme, un foisonnement tant dans la musicalité des mots que dans une écriture scénique qui s'est voulue illustration intelligente et sensible d'un texte qui, pourtant, n'a rien de scénique avec ses longs monologues. L'amoureux de poésie qu'est Sid Ahmed Benaïssa n'a pu qu'être séduit par l'adaptation que Haïder Ben Houcine a fait de La Grotte éclatée de Yamina Mechakra. Aussi, chapeau bas au metteur en scène pour avoir fait la démonstration qu'un théâtre « sérieux », « difficile », voire « élitiste », passe bien auprès du public pour peu que l'on soit capable de créativité et que l'on respecte les règles de l'art. Merci à lui et à ses comédiens pour avoir battu en brèche une fumisterie soutenue depuis les années 2000 et qui consiste à mettre de côté l'exigence d'élévation du public vers soi. Merci d'avoir démenti l'idée que le goût de ce dernier se soit perverti et qu'il ne goûte qu'aux pitreries et au rire gros et gras. Sur la scène, trône un rocking-chair avec un lampadaire côté cour et une malle côté jardin. Au centre, une étrange porte en forme de miroir aveugle. L'éclairage diffus, en flaques par endroits, marque les espaces d'un monde de l'intériorité, d'un huis clos avec soi et ses tourments, celui du drame psychologique. Ce dispositif scénique, œuvre de Halim Rahmouni actuellement le scénographe le plus sollicité par le théâtre algérien, se révéla efficace. A Témouchent, il a été fait l'économie d'une projection vidéo dont on dit qu'elle parasitait le jeu des comédiens, un jeu d'une rare intensité. Car la botte secrète d'El Maghara el moutafajira, c'est aussi et surtout la direction d'acteurs. Linda Sellam est la première à apparaître. Elle est dans un rôle difficile parce qu'elle est réduite à n'être qu'une voix, une présence figée dans une immobilité qu'accentue le balancement du rocking-chair qu'elle occupe et qui s'impose à l'esprit telle une chaise roulante suggérant par extension tout ce que le personnage traîne de handicaps. Linda donne épaisseur à un personnage tragique englué dans la schizophrénie d'un auteur hanté par ses personnages et ses fantômes. Avec une telle thématique sur une aussi pesante atmosphère, le spectacle aurait pu être lourd. Il passe grâce à un rythme bien négocié ainsi qu'au contrepoint fait au personnage campé par Linda, celui qu'habite une inspirée Malika Belbey, un rôle de fille-femme à multiples facettes, toute en grâce et en mouvements un moment, ou en souffrances l'instant d'après. Le 1er prix d'interprétation féminine obtenu lors du dernier Fennec d'Or révèle sur les tréteaux combien le petit écran ne rend pas justice à son immense talent. Ali Djebbar, une solide présence, complète la distribution. Il est sobre dans un rôle qui lui impose d'être porteur d'eau à ses camarades, avec quelques brefs moments de mise en relief qui lui permettent de faire étalage de son grand métier. Enfin, l'on ne peut omettre de faire mention de la musique de Salim Hamdi et au bruitage qui ajoutent à la théâtralité d'un spectacle que l'on vous recommande vivement.