Encore une fois, l'alerte est donnée par plusieurs conserveurs de tomate qui parlent de faillite de leur société à très court terme. « Nous l'avons dit et répété y compris à de hauts représentants des institutions de la République, le concentré de tomates importé d'Israël via Dubaï a entraîné notre ruine et celle prochaine de la culture de la tomate industrielle », a affirmé Ahmed Zaïm, un des plus gros conserveurs de l'Est. Sa déclaration est confirmée par plusieurs autres conserveurs qui parlent de l'abandon, à partir de 2005, d'importantes surfaces agricoles spécialisées dans la production de la tomate industrielle. Ainsi, contrairement à la campagne 2004 où 27 400 ha ont été cultivés en tomate industrielle dont 25 100 à l'Est pour 1694 au Centre et 606 à l'ouest du pays, 2005 verra une grande partie des agriculteurs déserter cette filière. Confortés par des engagements de l'Etat et par la certitude que leur produit est qualitativement le meilleur sur l'ensemble du bassin méditerranéen, quelques agriculteurs avaient introduit le système du goutte-à-goutte dans leur exploitation. Par ce moyen d'irrigation, ils ambitionnaient d'atteindre des rendements de 700 q/ha au lieu des 180 q/ ha en sec ; résultat qu'ils ont atteint en 2004 sur à peine 2000 ha irrigués au goutte-à-goutte. La même année, avec ce système, la Tunisie atteignait 17 000 ha et enregistrait 125 000 t de concentré de tomates pour une consommation nationale de 70 000 t. Côté algérien, les 26 usines, implantées sur le territoire national, clôturaient avec un bien pâle 50 000 t pour une superficie plus importante. Anachronisme du système économique national aidant, les conserveurs algériens ne pouvaient prétendre à la moindre opération d'exportation. Ce qui fait le bonheur des Tunisiens pour l'écoulement sur le marché algérien par des voies autres que légales de leur excédent de concentré de tomates « Pas une seule boîte de concentré de tomates ne provient des frontières terrestres placées sous notre compétence territoriale », avait déclaré le directeur régional des Douanes. Le démenti lui est donné par l'importante quantité du concentré de tomates tunisien commercialisée au vu et su de tout le monde, principalement dans les 17 wilayas de l'Est. « A l'exception d'une importation avortée de 1600 t de concentré de tomates d'Italie en février dernier, nous n'avons pas eu à enregistrer une quelconque autre opération sur les ports de Annaba ou de Skikda », a argumenté le divisionnaire des Douanes de Annaba. D'où la question que d'aucuns se posent sur la provenance de toutes ces marques de concentré de tomates sur le marché régional. Tout en soulignant les efforts consentis par l'Etat dans l'octroi de facilités pour la généralisation de l'irrigation au goutte-à-goutte, le président d'Actom a estimé que cette opération ne profite pas à tous les agriculteurs. Ces derniers conduisent à 85% leur culture à sec de la tomate industrielle. Même la production, qualifiée de très bonne, des 372 579 t de tomate fraîche collectées durant cette campagne dont 250 000 à l'Est, ne semble pas être un motif à même d'amener certains agriculteurs à abandonner définitivement cette spéculation agricole. Un d'entre eux ira jusqu'à affirmer : « La lutte est inégale. Les agriculteurs doivent se regrouper en associations ou en groupements professionnels pour constituer une force de négociation. Le bénéfice du soutien FNDRA est indispensable pour développer l'irrigation au goutte-à-goutte. La solution du problème du foncier est également incontournable. Le plan national de développement agricole n'est pas suffisant s'il n'est pas accompagné d'une stratégie de préservation et d'évolution des filières. La sous-location des exploitations agricoles et la mésentente entre les agriculteurs des EAC font que l'Etat ne trouve pas d'interlocuteur direct. » La priorité accordée par l'Etat à l'investissement a été critiquée par des agriculteurs : « Contrairement aux pays voisins et à ceux d'Afrique et d'Europe, l'Etat algérien priorise dans sa politique agricole, le soutien à l'investissement et non à la production. »