Le patron de la Sarl Tonic Emballage, Abdelghani Djerrar, a été arrêté jeudi dernier et mis en détention à Serkadji, a-t-on appris de source sûre. Jeudi matin, des agents en civil se sont présentés à son domicile, sis à El Biar, pour l'emmener au bureau du doyen des juges d'instruction près la Cour d'Alger, qui lui avait notifié une convocation. La décision a surpris la famille dans la mesure où la veille, il était dans le même bureau et « rien ne lui a été notifié ». Le frère de Djerrar estime que cette arrestation « n'a rien à voir avec l'affaire de la Badr. Elle est purement politique. Mon frère est en train de payer pour d'autres... », sans toutefois donner plus de détails. Il précise qu'il fait confiance à la justice, avant de donner la parole à l'avocat de la société, Me Zeraïa. Ce dernier affirme que la décision du juge intervient 24 heures seulement après que Djerrar et le PDG de la Banque de l'agriculture et du développement rural (Badr) « sont arrivés à un accord final » pour le remboursement des crédits. « Entre 2006 et 2007, la société a épongé une somme de 11 milliards de dinars, sur l'ensemble de la dette et les deux expertises réalisées sur ses activités lui ont été favorables. De plus, la nouvelle usine qui devait être inaugurée jeudi prochain allait régler définitivement le contentieux », note Me Zeraïa, précisant que « l'affaire n'a rien de pénal et est d'ordre purement financier ». L'avocat affirme ne pas connaître les raisons qui ont poussé le juge d'instruction à décider du jour au lendemain d'un mandat de dépôt, au moment même où un accord a été trouvé pour que la banque puisse récupérer son argent. En fait, c'est en septembre 2005, à la faveur de l'installation du nouveau PDG, que la Badr exige de Tonic Emballage le recouvrement immédiat de ses créances qui tombaient à échéance. Surprise par une telle décision, la société ne peut honorer ses engagements, ce qui pousse la Badr à cesser le financement de ses activités. Elle dépose plainte auprès du parquet d'Alger et l'instruction aboutit à la mise sous contrôle judiciaire de quatre personnes, le patron de Tonic, et trois cadres de la Badr, « pour octroi de prêts sans garanties suffisantes et dilapidation de deniers publics ». A titre de rappel, la Badr octroie, dans un premier temps, à Tonic Emballage un prêt de 11 milliards de dinars, fractionné en deux parties, un premier montant de 7 milliards de dinars et l'autre de 4 milliards de dinars. Une somme qui, à l'époque (1999-2000), dépasse le risque crédit avec la Cnep. Les prêts accordés à Tonic se multiplient, avec la création d'une dizaine de filiales, pour atteindre la somme de 65,5 milliards de dinars en septembre 2005. Le patron, Abdelghani Djerrar, et dans plusieurs déclarations à la presse, se déclare prêt — et en possession des moyens — à rembourser les montants avancés mais à condition que la banque lui accorde un nouveau délai. De nombreux biens immobiliers acquis par sa société sont saisis par la banque, dont un immeuble de trois étages au boulevard Souidani Boudjemaâ, non loin de l'hôtel El Djazaïr, et des appartements situés dans des quartiers huppés de la capitale. Sur décision de justice, le patron de Tonic est désigné en tant que séquestre judiciaire, pour permette à la banque de récupérer à la source son argent. Par la même occasion, la banque désigne des experts de KPMG, un bureau d'expertise internationale, pour auditer la Sarl Tonic. L'objectif : voir si sa gestion et ses capacités sont en mesure de faire face à toutes les dettes. Abdelghani Djerrar s'est montré très optimiste quant à l'issue de cette crise, en expliquant que la situation à laquelle sa société est arrivée est due à un « télescopage des échéances », conséquence, selon lui, « de la non-qualification » de son personnel technique. « Le personnel n'était pas formé pour faire fonctionner une usine constituée de machines de dernière génération (...) Raison pour laquelle les objectifs de développement tracés par l'entreprise n'ont pas été atteints en temps voulu. La prise en charge sur fonds propres de tous les frais d'approche est également un autre facteur à l'origine des retards enregistrés dans le remboursement des crédits ». Selon lui, l'usine a démarré avec l'acquisition de trois machines seulement, pour être renforcée, trois ans plus tard, par trente nouvelles machines. « Ce sont des machines très rapides et performantes qui nous permettront d'augmenter sensiblement nos capacités de production. Ce qui nécessite de lourds investissements. Mais, le délai de 5 ans imposé par la banque pour le remboursement est insuffisant », relève le patron de Tonic. Les négociations entre les deux parties se sont néanmoins poursuivies ces dernières semaines pour arriver à un accord, à la veille de l'inauguration (le 10 mai prochain) d'une nouvelle usine d'une capacité de 145 000 tonnes de papier. La production de cette nouvelle unité, déclare le chargé de la communication de Tonic Emballage, Hamid Rebahi, devait permettre le remboursement, à court terme, d'un quart du montant de la créance, et dans un délai d'un an, l'ensemble des prêts accordés. « Nous sommes étonnés de cette décision qui intervient au moment où tout se dirige vers un accord à l'amiable. La société vient d'investir 1,2 million de dollars, ce qui est énorme et prouve qu'elle est solvable. Elle réunit toutes les garanties pour rembourser ses dettes. Il suffit juste que la banque l'accompagne et lui accorde un délai suffisant », précise M. Rebahi.