Dans le cadre du programme du mois de Ramadhan, la Maison de la culture a abrité un spectacle présenté par la Fondation Aek Alloula. Cette pièce qui fut adaptée du « Journal d'un fou » de Gogol, par le dramaturge oranais, durant les années 1970, fera le tour des salles de théâtre algériennes encore en fonction à l'époque. La violente satire de la bureaucratie russe de la fin du 19e siècle sera alors admirablement préservée dans « Homk Salim », l'œuvre de Alloula. Avec quelques digressions typiquement oranaises, le dramaturge n'aura aucune peine à restituer l'état des lieux du système socialiste en vogue à l'époque. Ce qui lui vaudra un énorme succès populaire et beaucoup d'inimitiés chez la nomenklatura. Le mérite de la jeune troupe oranaise est d'avoir opéré une toute nouvelle et fort originale distribution. En effet, le monologue du fou est, cette fois-ci, interprété par pas moins de quatre acteurs qui, dès la levée de rideaux, viendront occuper l'espace scénique. Grâce à un décor dénudé, les quatre jeunes compères se relayeront sans discontinuer pour se partager, non sans difficulté, les principales situations. Réconcilier le public avec le théâtre Le public non averti aura beaucoup de peine à suivre la trame des premières scènes. Mais, au fur et à mesure du déroulement du spectacle, il finira par adhérer avec enthousiasme, notamment lors de la lecture coquine de la lettre de la petite chienne qui est en fait une satire au vitriol de la société. Les mimiques des acteurs et le ton particulièrement soigné de la tirade auront vite fait de réconcilier le public avec un théâtre de qualité, joué sans fioritures ni surcharges par des artistes en herbe dont le mérite n'est pas seulement d'avoir osé doublement. D'abord de s'attaquer à « Homk Salim », un rôle taillé sur mesure pour Alloula, mais d'avoir aussi fait l'effort d'une nouvelle lecture et surtout d'une distribution très recherchée. Dommage que la lenteur des premières scènes ne soit pas utilisée à bon escient pour mieux faire étalage de cet art scénique qui ne semble pas étranger aux acteurs. Avec une plus judicieuse occupation de l'espace et un jeu de costumes plus soigné, la pièce fera certainement sensation auprès d'un public dont le grand mérite est de continuer à venir au spectacle malgré la faiblesse chronique de certaines troupes locales. L'hommage à Alloula serait plus rehaussé si le recours à la « halqua » était plus pressant. Même Gogol en serait certainement ravi. Car l'adaptation est tout à fait compatible avec l'accommodation. Cette œuvre du patrimoine universel possède naturellement énormément de potentialités qui lui permettent de s'adapter à toutes les sociétés et de s'assaisonner à toutes les cultures. D'autant que si la folie est universelle, la bureaucratie n'a rien à lui envier.