Mustapha Bouhadef, cadre et ancien premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS), démissionne après plus d'une quinzaine d'années passées dans cette formation. L'annonce en a été faite hier par le biais d'un communiqué qu'il a remis lui-même à notre rédaction. « Aujourd'hui, dans les conditions actuelles où les idéaux du FFS sont ignorés, ses repères démocratiques et éthiques piétinés, l'honneur et la dignité des militants bafoués, je me vois contraint de démissionner du parti à dater du 11 juin 2007 », écrit-il dans sa déclaration. Au cours d'un entretien à bâtons rompus, il nous explique les raisons de sa démission par la situation de « blocage » que connaît le FFS. Cette situation était prévisible il y a trois ans, estime-t-il, en disant qu'il l'avait pressentie lors de sa nomination au poste de premier secrétaire en juin 2004. C'est ce pressentiment qui l'avait, reconnaît-il, poussé à démissionner de ce poste deux mois plus tard, soit en août 2004. Une démission qu'il n'avait cependant pas motivée à l'époque. S'estimant être « un cas atypique » du fait qu'il n'avait pas déserté le parti après avoir démissionné de son poste de premier secrétaire en 2004, M. Bouhadef souligne qu'il avait essayé de trouver des solutions internes aux problèmes du parti et qu'il avait tenté par tous les moyens de conciliation et de dialogue interne de « remettre sur les rails le train du FFS ». « Sans y parvenir », regrette-t-il, ajoutant qu'il avait beaucoup tergiversé et hésité avant de prendre la décision de démissionner carrément du parti. Il estime que le FFS, connu pour défendre la démocratie et l'Etat de droit, a été « complètement dévié de sa trajectoire ». La direction actuelle n'offre, selon lui, aucun espace de débat ni de recours. Elle gère « d'une manière autoritaire » les affaires du parti, outrepassant ses pouvoirs tels que définis dans les textes réglementaires dont les statuts. Il en a gros sur le cœur, mais il refuse de vider son sac, préférant ne pas verser dans le détail. Il considère que la préparation du 4e congrès, qui devrait se tenir en septembre, se fait dans « l'exclusion » de nombre de cadres et militants fidèles au FFS. Aussi, il relève le non-respect des statuts dans l'organisation des 3 échéances statuaires (audit, convention et congrès). « Aucune commission n'a été mise en place ni ne sera installée, est-il dit par la direction lors de la session du conseil national des 31 mai et 1er juin 2007 », souligne-t-il. « Or, statutairement, précise-t-il, la tenue de ces rendez-vous est du seul ressort du conseil national qui doit constituer en son sein des commissions en vue de leur déroulement. » Pour lui, ce n'est là qu'un exemple des dépassements de la direction nationale, affirmant que « la violation des textes du parti est devenue systématique ». Il fait savoir qu'il avait « fermé les yeux » sur beaucoup de dépassements. « Mais maintenant, c'est devenu la règle », dénonce-t-il. « Comment voulez-vous, se demande-t-il, arriver à instaurer la démocratie et un Etat de droit, lorsqu'au sein même du parti on ne respecte pas l'indépendance des trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) ? » M. Bouhadef estime que le président du parti, Hocine Aït Ahmed, est au courant de ce qui se passe au sein du parti et le considère comme le premier responsable de la situation actuelle qui prévaut au FFS. « Franchement, je ne sais pas où veut-il aller avec le parti », lâche-t-il. M. Bouhadef évoque avec regrets « la bastonnade des cadres et militants qui ont observé un sit-in au siège du parti en décembre 2006 », protestant contre « l'autoritarisme » de la direction nationale. Parmi les contestataires, il y a, d'après lui, des « expulsés » du parti qui sont des anciens de 1963, qui « au péril de leur vie ont permis au FFS de rentrer dans le panthéon de l'histoire de la lutte pour la démocratie en Algérie ». Il qualifie la situation actuelle du parti de « kafkaïenne ». La démission de Mustapha Bouhadef n'est cependant pas la première au sein du plus vieux parti d'opposition.