Il est sans doute déjà loin le temps où le Parti des travailleurs campait, indéboulonnable, dans l'opposition. L'heure est désormais aux noces et à la distribution des bons points. « Le programme du nouveau gouvernement est truffé de bonnes intentions », a concédé hier la secrétaire générale du parti, Mme Louisa Hanoune, à l'issue des travaux du conseil national du PT. Des intentions qu'il faudrait, selon elle, traduire en pratique. Le programme en question adopté mercredi en Conseil des ministres gagnerait, d'après la conférencière, à être débarrassé de ses « ambiguïtés » et « contradictions ». La SG du PT en relèvera plusieurs. Avant tout, ce qui a trait au maintien « injustifié », selon elle, du processus de privatisation des entreprises publiques alors que le pays « dispose d'importantes ressources financières » pour relancer l'activité financière. « Comment peut-on traiter le chômage et privatiser en même temps les entreprises ? », s'interroge Mme Hanoune. Le « flou », indiquera-t-elle, entoure également d'autres projets du gouvernement tels que le projet de « restructuration et redéploiement industriels » et la « réforme du système bancaire », dont les contours ne sont pas encore définis. S'agissant de cette dernière, la SG du PT se demande si une telle réforme voudrait dire qu'on est résolument prêt à « céder le Crédit populaire à la Deutsche Bank ? ». Autre sujet d'actualité abordé par l'oratrice : le report des élections locales au mois de novembre prochain. Louisa Hanoune acquiesce et se dit « heureuse » que le gouvernement ait enfin tranché cette question. L'ajournement des élections fortement réclamé, à ses dires, par le PT, est indispensable pour permettre une meilleure organisation des élections et éviter le spectre de la désaffection populaire. « Il s'agit de préparer l'élection de 1541 assemblées communales et 48 conseils de wilaya et cela a besoin de temps », souligne-t-elle. A propos de la révision de la loi électorale, Mme Hanoune affirme ne pas avoir pris connaissance de sa véritable teneur. Sur ce point précisément, assure-t-elle : « Je ne sais que ce que je lis dans la presse. » Le milliardaire et l'immunité parlementaire En ligne de mire des partis de l'Alliance présidentielle depuis les élections législatives du 17 mai, l'actuel régime électoral doit évoluer, selon la SG du PT, vers la « proportionnelle intégrale nationale » au lieu du « régime uninominal » qui consacre « l'exclusion ». Il est urgent, exprime-t-elle, de régler définitivement la question des listes indépendantes qui devraient être « interdites ». « Ces listes privées, comme les qualifie echaâb (le peuple), sont un vrai danger pour la démocratie », déclare la pasionaria du PT. Car lesdites listes ouvrent grandes les portes aux « opportunistes », aux « nouveaux riches » et aux barons des « containers » qui y trouvent un moyen d'incursion dans le domaine politique. Se faisant le chantre de la « moralisation du politique », Louisa Hanoune appelle ses partenaires politiques et les pouvoirs publics à faire « barrage » à la « décomposition » et la « corruption » politiques. « Quand l'argent rencontre la politique, lance-t-elle, c'en est fini de la démocratie. » Pour soutenir ses propos, elle cite, en exemple, le cas d'un représentant d'une multinationale, (qu'elle évite de nommer), élu à l'Assemblée nationale en « corrompant toute une ville ». La collusion entre le monde des affaires et la politique, observée lors du précédent scrutin, est porteuse de « périls ». « Ceux qui sont prêts à mettre 5 à 10 milliards pour entrer à l'Assemblée ne cherchent pas à gagner moins (un député c'est environ 1,2 milliard pour cinq ans de mandat), mais convoitent l'immunité parlementaire qui fera d'eux des intouchables », avance-t-elle. A propos de la décision de Mittal Steel, acquéreur du complexe sidérurgique El Hadjar, de passer à la formule du week-end « intérimaire » (vendredi et samedi) et du soutien que la Fédération des chefs d'entreprise a apporté au groupe indien, Louisa Hanoune regrette que l'Etat ait été mis devant le fait accompli et qu'aucun débat social n'ait été précédemment provoqué. « Ce n'est pas au patronat ni à Mittal Steel de décider », tranche-t-elle. Il s'agit manifestement d'une « dérive » qui en appelle d'autres car, conclut-elle, « qui nous garantit que demain on ne nous imposera pas le bouddhisme comme religion d'Etat ? ».