Une visite hautement symbolique du patron de la Centrale syndicale a eu lieu jeudi au siège national du parti. Comme annoncé dans une précédente édition, l'Ugta n'a pas manqué de réagir avec force au changement intervenu la semaine dernière à la tête du gouvernement algérien. Abdelmadjid Sidi Saïd, pour une fois, a dérogé à la règle en rendant personnellement visite jeudi à Ali Benflis au siège national de son parti. Un geste qui, en lui-même, constitue une marque de sympathie et de soutien d'une grande valeur de la part d'un syndicat qui revendique 4 millions de travailleurs prêts à le suivre. Le patron de la Centrale a, à cette occasion, rendu public un communiqué ne laissant guère de place au choix de son camp. «Il y a lieu de souligner ici que les principes qui nous lient (Sidi Saïd et Benflis, Ndlr) constituent un dénominateur commun de dimension sociale, économique, culturelle et politique.» Tout un programme, donc, que l'Ugta compte concrétiser avec l'aide du FLN en faisant avec lui un bon bout de chemin, en direction de la présidentielle forcément. Les observateurs, ainsi que certaines sources proches de la Centrale qui ont requis l'anonymat, précisent que cette sortie ne représente rien de moins qu'un soutien indirect et anticipé à la candidature de Benflis à la course à la magistrature suprême. Sidi Saïd suggère cette tendance dans sa lettre en ajoutant plus loin: «Ce projet de société et ces espérances que nous partageons vous et nous sont, à n'en point douter, inscrits dans le message de Novembre et c'est dans cet esprit qu'il nous faudra oeuvrer pour l'avènement d'une société algérienne de dignité, de prospérité et de progrès, dépassant ainsi les effets de la crise multiforme qui secoue notre pays et qui constitue un obstacle sérieux à nos ambitions nationales de développement et de justice sociale.» Le patron de l'Ugta, même s'il se sait minoritaire au sein de la direction nationale de la Centrale à majorité RND, parti du nouveau Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia en l'occurrence, ne se propose pas moins de contracter une sorte d'alliance avec le FLN sur la base de la vision commune qu'ont les deux hommes et leurs organisations respectives: «(les dénominateurs communs) sont et resteront, grâce à notre volonté commune, des références de base qu'il nous appartient de concrétiser sur le terrain et dans la vie quotidienne de nos populations afin de consacrer nos idéaux communs, la justice sociale, la liberté, l'égalité des chances, l'unité et la démocratie.» La démarche de Sidi Saïd, unique dans les annales de l'Algérie depuis l'avènement de la démocratie pluraliste, trouverait une partie de son explication dans le «contentieux» existant déjà entre l'Ugta et Ahmed Ouyahia au temps où il était Chef de gouvernement avec toutes les mesures douloureuses et antisociales qu'il avait prises entre 95 et 98. A cela s'ajoute le fait que Sidi Saïd a toujours trouvé un interlocuteur valable en la personne de l'ancien Chef de gouvernement qu'est Ali Benflis. Dans de nombreux articles, nous avions souligné les décisions «positives» prises par Benflis en faveur des revendications de la Centrale et les blocages qui les accompagnaient quasi systématiquement de la part des super-ministres que sont Hamid Temmar, Chakib Khelil et même Mohamed Terbèche, ministre des Finances. Dans un communiqué rendu public par le FLN à l'issue de cette audience historique, il est expressément fait mention de «la solidarité de l'Union générale des travailleurs algériens avec la position du parti du Front de libération nationale sur les principales questions intéressant la société algérienne et, plus particulièrement, celles relatives aux préoccupations des travailleurs et leur famille». Mieux, le communiqué du FLN rappelle que «le secrétaire général de l'Ugta a toujours trouvé en (...) Ali Benflis un Chef du gouvernement à l'écoute des travailleurs et ouvert au dialogue». Mieux, Sidi Saïd a, lors de cette rencontre, exprimé «sa haute appréciation sur le contenu du discours du secrétaire général du FLN à l'occasion de l'ouverture du 8e congrès, le 18 mars 2003». Ali Benflis, qui semble cacher de moins en moins ses ambitions politiques et son intention de tenter sa chance dans la prochaine course à la magistrature suprême, ne peut forcément pas faire l'économie des quelque quatre millions d'électeurs que peut lui procurer l'Ugta. Il a, comme le souligne le communiqué, assuré son hôte que le FLN, «à travers ses militants et sa direction politique, partage avec les travailleurs leurs préoccupations (l'assurant pour finir) de sa constante mobilisation en vue de poursuivre l'action commune pour relever les nouveaux défis et pour l'édification d'une Algérie de démocratie, de solidarité nationale, de modernité et d'ouverture sur le monde». La chasse au soutien des grosses pointures a bel et bien commencé. Benflis vient de remporter haut la main la première manche...