La victoire contrariée de l'UMP à l'Assemblée nationale française annonce-t-elle la fin de l'état de grâce du président Nicolas Sarkozy ? C'est en fait toute la donne politique qui est chamboulée par les résultats des législatives tant pour la majorité présidentielle que pour l'opposition. Paris : De notre bureau Le 2e tour des législatives, hier, a produit une assemblée équilibrée, bipolaire, dominée par une UMP jouissant de la majorité absolue et une opposition incarnée pour l'essentiel par le Parti socialiste. Le scrutin qu'on présentait sans suspense, tant la droite était donnée largement gagnante, a été riche en surprises et en rebondissements. Non seulement le Parti socialiste a résisté au rouleau compresseur prédit de l'UMP, mais il a obtenu plus de sièges qu'en 2002. Ainsi, contre toute attente, la gauche enregistre une remontée spectaculaire et renforce sa présence à l'Assemblée nationale. L'UMP obtient à elle seule la majorité absolue, avec 318 sièges sur les 577 de l'Assemblée, moins que ses 359 sortants. Au total, la majorité présidentielle compte 341 élus. Le PS conforte son rôle de principal opposant. Il progresse même nettement dans une chambre plus bipolarisée que jamais, avec 190 élus contre 149 en 2002. Au total, la gauche compte 228 députés. Le MoDem de François Bayrou obtient 4 sièges et le FN, aucun. Si l'on est encore loin de la parité, les femmes dépassent pour la première fois la barre des 100 élues au Palais-Bourbon, avec 107 députées (dont 61 de gauche) contre 76. « La vague bleue annoncée qui devait déferler n'a donc pas eu lieu », s'est félicité le premier secrétaire du PS, François Hollande, évoquant un résultat électoral supérieur de 25% par rapport aux législatives de 2002. François Hollande s'est réjoui que la France puisse « marcher sur ses deux jambes ». Leçons d'un scrutin L'irruption dans l'entre-deux tours du débat sur la « TVA sociale », que la droite souhaitait ouvrir après le scrutin législatif et que la gauche a opportunément provoqué, a vraisemblablement influé sur le score. La remontée de la gauche n'exclut pas sa refondation. La secrétaire nationale du Parti communiste, Marie-George Buffet qui, avec 17 députés, devrait constituer avec les Verts (4 députés) un groupe parlementaire (il en faut 20 pour constituer un groupe), appelle à un rassemblement de la gauche et à la redéfinition de celle-ci. Le Parti socialiste n'est pas exempt d'une refondation, laquelle ne se fera pas sans grincements. « Les socialistes sont confrontés à une double exigence : ils doivent être une opposition utile au pays » et « tirer toutes les leçons des scrutins qui viennent de se dérouler, nous renouveler autant qu'il sera possible (...) et puis, rénover la gauche, la refonder si c'est nécessaire et c'est nécessaire, qu'elle constitue l'alternative indispensable pour les échéances futures », a souligné François Hollande. Ségolène Royal a tracé, pour sa part, « la nouvelle frontière de la gauche », identifiant quatre thèmes de travail pour l'opposition : « Travail pour tous », « Lutte contre le réchauffement climatique », « Invention de nouvelles relations Nord-Sud » et « Diminution de la dette » — un thème cher à l'électorat centriste. Les socialistes ouvriront samedi prochain le chantier de la refondation avec leur Conseil national sur fond de bataille pour le leadership du parti. Les élections législatives se sont « conclues sur un choix clair et cohérent », s'est pour sa part réjoui hier soir le Premier ministre François Fillon, soulignant que le temps de l'action a désormais « commencé ». « La France confirme notre volonté d'ouverture elle valide un projet pour moderniser résolument » le pays, a-t-il ajouté. Toutefois, la défaite d'Alain Juppé constitue pour la majorité présidentielle une mauvaise surprise de taille. Battu dans la 2e circonscription de Gironde avec 49,07% des voix par la socialiste Michèle Delaunay (50,93%), la défaite du numéro deux du gouvernement est un coup de semonce pour Nicolas Sarkozy. Le maire de Bordeaux est le seul des onze ministres candidats à subir une défaite. Aléas Conformément à la règle édictée par François Fillon, le ministre de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables, Alain Juppé, devrait démissionner, un coup de théâtre qui ébranle le nouvel exécutif, contraint à un remaniement imprévu. Du côté de la gauche, la mauvaise surprise vient du couple Hollande-Royal. Ségolène Royal a annoncé le soir des élections, alors qu'elle ne devait le faire que dans le courant de la semaine dans un livre à paraître mercredi Les Coulisses d'une défaite, sa séparation d'avec son compagnon et père de leurs quatre enfants, François Hollande, une décision « totalement disjointe » de la question du leadership au Parti socialiste, et a dit sa volonté de continuer un engagement politique fort. Dans ce livre, Ségolène Royal confirme qu'elle sera « candidate au poste de premier secrétaire » si son « projet de rénovation est majoritaire » au congrès du PS, prévu à l'automne 2008. Hier matin, François Hollande a souligné que sa séparation avec Ségolène Royal relevait de « la vie privée » et n'avait « pas de conséquences politiques », puisqu'elle n'avait « pas de cause politique ».