Quelle est la plus verdoyante cité du Témouchentois ? Peu de gens le savent, même parmi les Témouchentois. Vous ne le devineriez pas, car le paradoxe veut que cela ne soit pas une agglomération née par et pour l'agriculture dans une région dont la vocation première est le travail de la terre : il s'agit de Beni Saf. Et si nous vous racontions un peu cette cité connue pour ses charmes balnéaires et sa notoriété de premier port de pêche d'Algérie ! Pour celui qui y vient pour la première fois, elle apparaît comme la plus pittoresque cité de la région tant tout en elle est à l'opposé de ces villes et villages tracés au cordeau. Son architecture et son urbanisme sont, à cet égard, la traduction de sa singulière histoire, une histoire liée chez elle à l'industrie et à la pêche. Cité édifiée au forceps, Beni Saf l'est presque contre tout bon sens sur un site fortement accidenté, ses premiers occupants ayant délaissé les hauteurs pour investir les profondes échancrures en contrebas. Mais c'est précisément ce choix qui fait aujourd'hui tout le charme d'une ville à laquelle les hauteurs n'ont pas réussi lorsqu'elle a commencé à s'y étendre depuis les années 1980, faute, précisément, d'un génie constructeur qui eut pu en tirer avantage. De fait, c'est l'ancienne ville et ses vestiges qui font tout l'attrait de la ville de Sidi Boucif, d'un « vieux » Beni Saf qui se refuse jalousement au visiteur, paresseux ou pressé, tant il est en méandres et en replis. Bâtie sur des flancs de collines débouchant en une étroite ouverture sur la mer, on la descend ou on la remonte par des rues qui vont obliquement en circonvolutions et en longues parallèles les unes par rapport aux autres. Le port et la ville, l'ancienne ville s'entend, sont situés à l'entrée d'une petite baie à l'embouchure de deux ravins côtiers. Pour le plus court chemin, il y a de nombreux escaliers qui creusent des trouées perpendiculaires aux rues, des escaliers qui disent également combien il convient d'avoir du souffle et des mollets pour être Benisafien. Une fois arrivé en bas, la perspective donne à voir un bien autre panorama. L'on se retrouve comme en une arène avec en spectatrices immobiles des bâtisses s'étageant en amphithéâtre sur les flancs des ravins alentours. Singulière ville Les maisons sont rarement à un étage, ou, du moins, l'étaient encore il y a peu, tranchant par leur humilité avec les opulentes demeures coloniales des autres agglomérations du Témouchentois. Ce bref survol laisse apparaître combien Beni Saf est singulière par rapport au reste du Témouchentois. Mais l'on se rend mieux compte de cette insolite identité à juger selon d'autres paramètres, la topographie. Il y a, à ce propos, son cosmopolitisme ancien datant de sa naissance au milieu du XIXe siècle alors que les autres agglomérations de son âge ne le sont vraiment devenues qu'en 1962. En effet, ajouté au groupement humain local, on y est venu de partout, d'outre Méditerranée, du Rif comme du Sud marocain et de toutes les régions d'Algérie. Et parce que cette cité minière vouée à sa naissance à l'industrie et aux échanges méditerranéens à travers son port, et parce qu'elle a vécu et qu'elle vit encore de la pêche, elle marque une méditerranéité prononcée. Mais encore, ses habitants d'avant l'indépendance et leur descendance ayant rompu depuis plusieurs générations avec le travail de la terre et le pastoralisme n'ont plus une once de bédouinité ou de ruralité. Est-ce alors cela qui fait que Beni Saf est la plus verdoyante agglomération du Témouchentois ?