L'ancien chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, invité de la radio Chaîne II, s'est fait un point d'honneur jeudi dernier pour commenter le retour par l'actuel gouvernement sur certaines de ses décisions, notamment la circulaire sur l'émission des chèques à partir de 50 000 DA ou encore l'interdiction aux entreprises publiques de déposer leur argent dans les banques privées. Tout en disant respecter le choix du gouvernement, M. Ouyahia démontera en usant d'arguments certaines orientations prises par M. Belkhadem sur le plan économique qu'il accusera d'ailleurs mais d'une manière indirecte de faire du « populisme ». Le secrétaire général du RND affirme de prime abord en réponse aux critiques de certains que ce qu'on dit être « ses décisions » avaient été signées au nom de l'Exécutif. La personnalisation des choses a une certaine signification », a-t-il noté. Et d'ajouter : « Je ne suis pas un mendiant qui fait les choses pour lui-même, j'exécute les décisions d'un Exécutif. » Cette précision n'empêchera pas l'homme politique d'assumer ses décisions et de mettre en doute leur annulation. « Outre la loi sur l'interdiction du recours des entreprises publiques aux banques privées, j'avais signé aussi l'interdiction du recours aux capitaux étrangers afin de mettre fin à l'endettement. Il y avait à l'époque une catastrophe généralisée dont vous ne connaissez que l'épisode Khalifa. Ces décisions avaient un rôle préventif. Peut-être que les conditions sont aujourd'hui un peu meilleures, mais on verra bien », dira l'invité de la radio en émettant des doutes sur les promesses de lendemains florissants et d'un climat économique nouveau ayant accompagné la déclaration de l'annulation de la circulaire Ouyahia. « J'ai des commentaires sur la manière dont on présente les choses, notamment de la part de certaines personnes qui ne sont pas nécessairement dans le gouvernement », souligne M. Ouyahia en notant qu'il y a quatre vérités à dire. « En 2001, soit trois ans avant la décision que j'ai signée, le montant des fonds déposés dans les banques privées ne dépassait pas les 10%. Les banques étrangères à l'époque n'avaient pas plus d'une agence en Algérie, c'est dire qu'elles ne fournissaient aucun effort pour accompagner l'investissement. Aucune banque étrangère n'accompagne l'investissement, elles financent l'import-import pour encourager l'économie de leur pays. Après la décision du gouvernement en 2004, que ce soit BNP, Société Générale ou autre, elles ont toutes ouvert entre 30 et 40 agences », explique l'ex-chef du gouvernement pour défendre sa décision. « Le CPA sera une banque mixte et pas privée » A la justification par le gouvernement Belkhadem de l'annulation de la circulaire pour la facilitation de la privatisation du CPA, Ouyahia précisera que la privatisation du CPA n'en est pas une puisque « seuls 51% de cette banque iront au privé contre 49% pour l'Etat, il s'agira donc d'une banque mixte et pas d'une banque privée ». Revenant sur sa circulaire concernant l'émission de chèques à partir du seuil de 50 000 DA, Ouyahia explique que cette décision avait été prise sur la base d'une loi qui existe toujours. « Aujourd'hui, on annule la circulaire alors que la loi existe, et on continue à pleurer sur la fraude fiscale et le marché et l'économie parallèles. Je ne pense pas que cette décision va aider à combattre ces fléaux », dira l'homme politique et SG du RND. Interrogé sur la décision concernant l'augmentation du capital des entreprises importatrices prise aussi par le gouvernement Belkhadem, Ouyahia répondra : « Les lobbys sont trop nombreux dans ce pays et activent dans le but de détruire l'économie nationale. Nous sommes le seul pays au monde qui dit avoir 22 000 importateurs, soit un importateur pour 1500 Algériens ; je ne pense pas que ce soit une situation normale. Laisser faire une opération où l'on fait entrer trois conteneurs sans laisser aucune trace, je ne pense pas que ce soit cela faire du commerce et encore moins de l'économie. » Le réquisitoire contre les récentes décisions gouvernementales ne s'est pas arrêté en si bon chemin. Ahmed Ouyahia estime que la gestion des affaires publiques n'est pas souvent le fruit « du bon sens ». Il citera à ce titre l'augmentation des salaires pour soutenir le pouvoir d'achat. « On ne combat pas le secteur informel en faisant un pas en avant et deux pas en arrière. Le populisme a une facture. D'accord pour l'augmentation des salaires, mais en prenant en considération la croissance et l'inflation. Sinon fatalement les prix sur le marché connaîtront des hausses », a indiqué le SG du RND en prenant l'exemple des hausses intervenues sur le marché du blé, du lait et de la pomme de terre. « Il ne faut pas non plus oublier que des lobbys travaillent à mettre le feu au pays. Il n'y a qu'à voir la question de la pomme de terre, où plus de la moitié des importateurs sont des trafiquants et leur marchandise le prouve. » Le même responsable estime qu'il faut travailler à diminuer la dépendance du marché national du marché extérieur. « Un peu de bon sens et de logique ne feront pas de mal à l'Algérie. » Et d'ajouter : « On a enlevé la circulaire sur les chèques bancaires qu'on n'avait pas appliquée, puis on est revenu sur la décision sur l'extraction du sable qu'on prolongera de deux années supplémentaires. Je ne pense pas qu'on puisse mener la bataille contre la violation de la loi en mettant un pas en avant et deux en arrière. » Ce qu'il faut, dira Ouyahia, c'est appliquer la loi et en finir avec « la république des salons et la république des lobbys ». Ceci en fustigeant aussi la récente décision du ministère du Commerce sur l'importation des véhicules : « Il y a un manque d'effort de réflexion à ce sujet. On pense plus à servir les intérêts de Peugeot et de Toyota. »