Tous ceux que nous avons rencontrés quelques heures après la mort du vieux raïs avaient des mines tristes et les yeux larmoyants. Une grande tristesse se lisait sur tous les visages. El Watan a recueilli les impressions de certains des responsables palestiniens demeurant à Ghaza, rassemblés près du mountada, un lieu qui regroupe les locaux des bureaux du Président ainsi que sa résidence. Abou Maher Heles, secrétaire général du Fatah dans la bande de Ghaza, qui a perdu au cours de cette Intifadha, son fils âgé de 18 ans, tué par les soldats israéliens lors d'une incursion dans le quartier de Chejaiya, nous a déclaré : « En ce jour triste où notre peuple palestinien fait ses adieux à son leader et au symbole de sa lutte pour l'indépendance, nous disons aussi que c'est un jour où notre détermination de poursuivre la voie qu'il a tracée est plus forte. Le peuple palestinien et principalement le mouvement Fatah ont hérité d'un message du président Arafat. Nous lutterons de toutes nos forces pour sa concrétisation. L'unité nationale est une ligne rouge pour tout le peuple palestinien. Yasser Arafat l'a parrainée et a tout fait pour la conserver. Nous sommes confiants que tout notre peuple y croit. Pour cela, nous n'avons pas d'inquiétudes particulières. Les institutions palestiniennes fonctionnent très bien. Les passations de pouvoir se font sans aucun problème. Yasser Arafat va nous manquer, car les institutions peuvent combler un vide juridique, mais le vide symbolique est propre au Président et à personne d'autre. » M'hammad Eddaya, ancien garde du corps personnel du Président, qui l'a accompagné à Camp David, aux Etats-Unis, quelques mois avant le déclenchement de l'Intifadha, nous a dit les larmes aux yeux : « Pour moi, c'est la mort d'un père, d'un président, d'un véritable leader. Mon cœur se déchire de voir perdre le lion de la Palestine. » Très ému et sanglotant, M'hammad n'a pas réussi à sortir d'autres mots. Nous avons par la suite rencontré Kayed El Ghoul, un des responsables du Front populaire de libération de la Palestine, qui nous a dit : « En faisant ses adieux à son chef et Président, le peuple palestinien perd en fait les caractéristiques humaines et militantes de cet homme hors pair. Le président Arafat laisse derrière lui un vide très difficile à combler. Le Président, qui a passé toute sa vie en militant pour la question palestinienne, est devenu en fait le symbole de cette cause. Il a largement contribué à faire connaître et admettre la cause palestinienne à un niveau international. Il a réussi à unifier le peuple palestinien. Il a réussi à sortir indemne de tous les complots militaires et politiques tissés contre lui. Il a réussi aussi à faire admettre par la communauté internationale le droit du peuple palestinien à jouir d'un Etat indépendant et viable. Le plus grand cadeau que l'on puisse offrir à Yasser Arafat est de préserver notre unité nationale, en créant une direction unifiée, de tout faire pour réaliser les aspirations nationales de notre peuple. » Le Djihad islamique était aussi présent en la personne de Khaled El Batch, un des responsables politiques de ce mouvement radical, souvent en désaccord avec la ligne politique prônée par Arafat. Il nous a déclaré : « Le mouvement du Djihad islamique présente en ce jour triste ses condoléances à tout notre peuple et surtout au mouvement Fatah, qui vient de perdre une des figures les plus importantes de la lutte nationale. En ce jour, nous assurons le Fatah de notre solidarité. Nous assurons notre peuple de poursuivre l'Intifadha et la résistance. Nous ferons tout pour la préservation du front intérieur. Nous n'aspirons à aucun poste ni à aucun ministère. Tout ce qui nous importe, c'est l'unité nationale voulue par les martyrs tels que Abou Ammar, le cheikh Ahmed Yassine, Fathi Chekaki, Abou Ali Mustapha et tous les autres. Nous ferons tout pour chasser l'occupant, tout le reste importe peu. »