Le juge espagnol Baltasar Garzon a formellement entamé, lundi 17 décembre, l'instruction d'une enquête pour génocide commis par les autorités marocaines au Sahara-Occidental entre 1976 et 1987. Le juge madrilène, qui s'était déclaré compétent le 30 octobre pour instruire ce dossier, a entendu lundi des représentants des associations de défense des droits de l'homme et des familles de victimes, qui avaient déposé une plainte contre 13 militaires marocains en 2006. Cette plainte, pour génocide et tortures, dénonce la disparition de plus de 500 Sahraouis à partir de 1975. Le président de l'Association des familles des prisonniers sahraouis disparus, Abdessalam Lahcen a qualifié, lui, la journée du 17 décembre « d'historique », en ce sens, a-t-il expliqué à l'agence de presse sahraouie SPS, que l'enquête « va progresser pour que les coupables de génocides et tortures et des graves violations des droits de l'homme commis dans les territoires sahraouis occupés soient traduits devant la justice ». « C'est un jour historique pour le peuple Sahraoui et une lueur d'espoir pour connaître enfin le sort réservé aux dizaines de Sahraouis disparus tout au long de ces 32 ans de lutte pour notre indépendance », a souligné à l'APS Houria Ahmed Lamaâdel, au sortir de l'audience. Elles s'est déclarée en outre « confiante en la justice espagnole et nous ne cesserons jamais de remercier le juge Garzon qui a montré beaucoup d'intérêt à notre plainte et qui nous a reçu les bras ouverts », a-t-elle ajouté. « Nous avons un grand espoir de voir un jour les bourreaux du peuple sahraoui devant la justice », a-t-elle affirmé. De son côé, Fatimatou Mustapha salah, dont le père a disparu le 6 novembre 1975, a souhaité que « justice soit rendue au peuple sahraoui qui souhaite vivre dans la paix et la liberté dans son pays, le Sahara-Occidental ». Le juge Garzon avait accepté d'instruire cette plainte, au nom du principe de juridiction universelle que se reconnaît la justice espagnole pour les crimes contre l'humanité et de génocide. Il avait estimé qu'il existait des présomptions suffisantes d'une « action complexe et systématiquement organisée contre des personnes sahraouies » par des responsables militaires marocains, indiquées déjà par des sources judiciaires en octobre. Le magistrat va concrètement enquêter sur la responsabilité présumée de 13 suspects entre autres Abdelaziz Bennani, inspecteur général des Forces armées royales et commandant de la zone sud, Abdelhak Kadiri, le général Hamidou Laânigri (directeur de la sûreté nationale), sur un total de 32 personnes, dont certaines sont décédées, notamment Driss Basri, mort en août à Paris après avoir été pendant 20 ans le ministre de l'Intérieur de feu Hassan II. La majorité des personnes visées est accusée de détentions illégales, d'enlèvements, de tortures et de disparitions. Il s'agit de hauts gradés des forces de sécurité (armée et police) marocaines, notamment le chef de la Gendarmerie royale, Hosni Benslimane. Celui-ci est déjà visé par l'un des cinq mandats internationaux émis le 22 octobre, par un juge français qui instruit le dossier de la disparition, à Paris en 1965, de l'opposant marocain Mehdi Ben Barka. Le président de l'Association sahraouie des victimes des violations graves des droits humains (Asvvgdh) Brahim Dahane, a souhaité, pour sa part, que la décision du juge Garzon d'instruire cette enquête « ne soit pas influencée par des positions politiques du gouvernement espagnol ». « Nous faisons entièrement confiance à ce juge qui est connu par son impartialité pour rendre justice au peuple sahraoui », a-t-il ajouté.