Leurs parents sont partis, eux reviennent. Les binationaux, ces enfants d'émigrés, nés ou ayant grandi à l'étranger, et qui possèdent à la fois la nationalité algérienne et celle de leur pays d'accueil, reviennent en Algérie. Ce mouvement devient une véritable tendance au sein de la diaspora nationale. Selon une enquête du Centre algérien de recherche en économie appliquée (CREAD), rendue publique en 2006, près de 6000 algériens par an (tous âges et catégories sociales confondus) rentreraient définitivement au pays, soit deux fois plus qu'en 1998. Parmi eux, 94% viennent de France. Le Consulat de France estime, pour sa part, le nombre de binationaux actuellement installés en Algérie à 36 000 personnes environ. Le phénomène étant récent, difficile d'obtenir plus de précisions, si ce ne sont les chiffres de l'antenne d'Alger de l'Agence nationale de soutien à l'emploi des jeunes (ANSEJ) qui liste à 98 le nombre de microentreprises créées entre 1998 et 2005 par des « Algériens de retour ». La plupart des Franco-Algériens qui reviennent dans leur patrie d'origine ont un haut niveau d'études, et travaillent dans les nouvelles technologies ou le commerce. Comme raisons à leur venue, ils évoquent à la fois les opportunités professionnelles qu'offre un pays en plein boom économique pour un jeune diplômé, et une envie de découvrir « au quotidien » cette terre qu'ils ne connaissent que durant les vacances. Une volonté aussi de donner quelque chose à l'Algérie, de faire profiter le pays de leurs pères du savoir-faire et de l'expérience acquis ailleurs. Pour Mehdi Zakaria, 31 ans, patron de société de conseil informatique installé à Alger depuis un an, créer son entreprise ici allait de soi : « La France n'a pas besoin d'un garçon comme moi, alors que l'Algérie si. Elle a besoin de moi, et d'encore plus de jeunes qui vivent en ce moment à l'étranger. » L'atout de la double culture La double culture peut se révéler un véritable atout, comme l'ont bien compris les entreprises. « L'intérêt des binationaux pour une firme qui veut s'implanter en Algérie est qu'ils connaissent la réalité locale tout en apportant un savoir-faire à l'européenne. Ils ont évolué dans un environnement performant en Europe. Ils sont censés apporter plus de professionnalisme », déclare Salima Mokhtari, consultante en charge de l'Algérie au cabinet de recrutement Lincoln Associés, qui constate une augmentation de 20 à 25% de la demande pour ce type de profil depuis trois ou quatre ans. Ces jeunes connaissent la langue, sont imprégnés du mode de vie du pays. Et ils apportent en même temps des méthodes de travail européennes, ainsi qu'une ouverture vers l'extérieur. Témoignage également de cet intérêt, le succès des forums organisés pour inciter les Algériens diplômés à rentrer au pays, entre autres celui du Réseau des Algériens diplômés des grandes écoles françaises (REAGE) à Paris. Arrivés sur place, la confrontation au pays est parfois rude pour les binationaux. Beaucoup idéalisent El Djazaïr avant d'y vivre et ne sont pas préparés à la différence de modes de vie et de travail par rapport à ce qu'ils connaissaient en Occident. Ces jeunes se heurtent aussi quelquefois à l'incompréhension d'une partie de leur entourage, qui ne s'explique pas toujours leur volonté de quitter l'Europe pour rentrer au pays. Si les premiers mois sont parfois difficiles, l'adaptation vient par la suite. Qu'ils soient là depuis quelques mois, un an ou nettement plus, aucun binational ne regrette son choix d'avoir rejoint l'Algérie. Unanimes à constater le potentiel énorme du pays, ces jeunes ont peut-être perdu quelques illusions sur celui-ci au contact de la réalité, mais ils ont envie d'y rester. Et aiment désormais leur patrie en connaissance de cause. Pour Mehdi, ce retour est un phénomène inévitable chez la 2e génération : « Chaque Algérien avec qui je discute en France me dit : ‘'Pourquoi ne pas revenir au bled ?''. L'évènement n'est pas ponctuel. Il est là et il va s'accentuer. Les personnes qui sont parties à l'étranger l'ont fait pour travailler. Ils avaient toujours en tête l'idée d'un retour. Ils ont élevé leurs enfants dans cette optique. Et plus l'Algérie se développera, plus les Algériens viendront. »