l Les émigrés qui rentrent en Algérie sont généralement des hommes, chefs de famille de plus de 40 ans Ils ont vécu à l'étranger plus de 10 ans. Les moins de 31 ans représentent 22,3% de l'échantillon des migrants de retour en Algérie. Ils reviennent souvent par « contrainte » au pays. Une fois en Algérie, beaucoup d'entre eux n'arrivent pas à se réadapter à la vie au « bled ». C'est peut-être l'un des plus grands paradoxes que connaît notre pays : au moment où des dizaines de harraga cherchent à quitter le pays au péril de leur vie, de nombreux émigrés algériens choisissent de faire le chemin inverse. Lors d'un atelier sur l'immigration organisé hier à l'université de Bouzaréah, des sociologues et des chercheurs ont tenté de disséquer la question des mouvements migratoires en Algérie. Mohamed Saib Musette, sociologue, a axé son intervention sur les émigrés qui reviennent au pays. Dans l'enquête que nous avons réalisée pour le compte du Mirem, il apparaît que même des personnes qui ont passé plus de 50 ans à l'étranger reviennent au pays », a-t-il indiqué. A leur retour, les émigrés changent de statut. Ils passent ainsi du stade de salarié à celui d'entrepreneur. « Il est important d'indiquer que les migrants de retour sont d'un grand apport pour le pays », souligne M. Musette. Les moins de 31 ans représentent 22,3% de l'échantillon des migrants de retour en Algérie. Ils reviennent souvent par « contrainte » au pays. Mohamed Saib Musette estime que « l'âge est un facteur important dans la décision de retour. Près de 14% sont revenus au pays à l'âge de 65 ans et plus ». Curieusement, peu de femmes (à peine 13% contre 86% d'hommes) choisissent de revenir au « bled ». En clair, les émigrés qui rentrent en Algérie ont généralement plus de 40 ans (74%), ce sont des hommes (90%) et des chefs de famille (78%), de niveau d'instruction plutôt primaire ou moins (67%), qui sont au chômage (89%), avec un revenu de la famille qui dépasse les 30 000 DA/mois. La quasi-totalité des familles interrogées viennent de France (79%). Elles ont vécu à l'étranger plus de 10 ans (73%). Selon les dires de M. Musette, il y a deux types d'émigrés de retour : ceux qui ont décidé de regagner le pays et ceux qui ont été contraints de le faire. Parmi ceux qui ont choisi de retourner en Algérie, il y a d'abord les nostalgiques (20,8%), ceux qui n'ont pas réussi à s'acclimater dans leur pays d'accueil, les retraités (11,7%), ainsi que la réalisation de projets (6%). Dans la grille des motifs des émigrés forcés au retour, il y a surtout les expulsions (37%), les contraintes familiales (28%), ainsi que la perte de l'emploi (22%). « Alors qu'il y a une accélération des expulsions de Maghrébins en Europe, il est à signaler qu'il y a une faible proportion de Maghrébins par rapport à l'ensemble des émigrants étrangers (…). Selon les données dont nous disposons, les Marocains ont été les plus exposés aux expulsions, suivis des Tunisiens, puis des Algériens (35%) », a affirmé hier M. Musette. Les émigrés de retour se plaignent généralement des difficultés de réadaptation (surtout pour les émigrés contraints au retour), des bas niveaux de salaires ainsi que de l'insuffisance du système de santé. Aussi certains d'entre eux nourrissent-ils encore le rêve d'aller dans leur pays d'accueil. Il s'agit de 50% de ceux qui ont été contraints de revenir et 30% des émigrés qui sont revenus de leur propre gré. Au chapitre des familles des émigrés, beaucoup d'entre elles continuent de croire que leurs proches émigrés reviendront pour s'installer définitivement au pays (45%), tandis que d'autres ont perdu tout espoir de voir leurs parents revenir (16%). Dans l'un de leurs rapports, les experts du Conseil national économique et social (Cnes) parlent d'« abandon du mythe du retour » et réaffirment que « le retour et les transferts d'argent relèvent de mythes et de mirages ».