Alors qu'une commission d'enquête gouvernementale est mise sur pied pour faire la lumière sur le « drame » qui s'est produit au port d'Alger dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 novembre, les accusations mutuelles entre le Syndicat national de la marine marchande (Snommar) et la direction de la CNAN Group s'accentuent, installant ainsi une polémique sans précédent sur le naufrage du Béchar et l'échouage du Batna. Dans une déclaration faite hier à El Watan, le président-directeur général de la CNAN Group a réagi quant aux « accusations graves » du Snommar, qui fait porter le chapeau à ladite compagnie. Refusant de « polémiquer », Ali Koudil, en sa qualité de premier responsable de cette compagnie, trouve que le Snommar est « allé trop loin » dans ses dernières déclarations. Qualifiant d'« extrêmement graves » les propos du président de la section syndicale du CNAN Group, (affiliée au Snommar), le PDG a considéré que de telles « accusations » portent « préjudices à la compagnie ». A cet effet, la direction a décidé de porter plainte contre le Snommar devant la chambre pénale. Aux yeux du PDG, les différents communiqués et surtout la conférence de presse qu'a tenue le syndicat mercredi dernier ont « terni l'image de marque de la CNAN devant aussi bien ses clients que ses fournisseurs ». M. Koudil ne semble pas être permissif envers les syndicalistes qui, selon lui, « formulent des imputations sans fondement, qui risquent d'entraver le cours de l'enquête qui a été diligentée ». Ainsi, il dira qu'il faut laisser le temps à la commission d'enquête de travailler, car elle est la seule habilitée à « déterminer les causes de ce naufrage et les principaux responsables ». « Je précise encore une fois que toutes les mesures de sécurité ont été prises », a-t-il dit. Sur la même lancée, le PDG a précisé : « Le navire Béchar était en état de navigabilité comme tous les autres bateaux de la compagnie. Certes, ils sont vétustes, mais les 26 navires sont exploités sur toutes les mers du monde. Ils sont contrôlés une fois par an par les bureaux de classification internationaux. En plus, on ne peut pas accéder dans un port d'un autre pays si le navire ne détient pas son certificat de navigabilité. » La réglementation internationale, a-t-il fait remarquer, fait que « les navires subissent automatiquement des contrôles à même le port ». Dans le cas où le bateau se trouverait dans un état de délabrement avancé, le bureau de contrôle recommandera immédiatement sa détention avec, bien entendu, le retrait du certificat de navigabilité. « Or jusque-là, a-t-il affirmé, et depuis quelques années, aucune détention n'a été enregistrée, ce qui démontre que la compagnie a bien entretenu ses navires. » Et d'ajouter qu'« effectivement l'entretien de ces navires revient trop cher pour la CNAN, mais cela nous permet, en revanche, de renouveler les certificats de navigabilité ». Il a rassuré à l'occasion en soutenant que « la flotte de la CNAN, en dépit de sa vétusté, reste capable de naviguer ». Défendant sa gestion, M. Koudil n'y est pas allé de main morte pour jeter l'anathème sur les marins. « Nous les connaissons. Ce sont des commandants de bord qui avaient été responsables de plusieurs accidents en mer. Nous avons leurs dossiers », a-t-il lâché d'un ton sec. Dans un communiqué parvenu hier à notre rédaction, signé par le directeur central de la communication et des relations avec la presse, H. Bounehas, la CNAN a qualifié le Snommar de syndicat « nébuleux ». « Le Snommar, déjà en justice avec la CNAN Group, a été constitué essentiellement par un groupe d'officiers revanchards et non représentatifs de la masse des officiers de la compagnie », est-il indiqué dans le communiqué. Et de renchérir : « Ce syndicat tente de manipuler l'opinion publique durant ce pénible drame en usant de la désinformation pour accréditer les thèses les plus farfelues et invraisemblables (...) simplement dans le but inavoué de voir ces officiers animateurs occasionnels de presse. » Le Snommar ne s'est pas tu devant la réaction de la direction de la CNAN. Qualifiant les déclarations de cette dernière de « tendancieuses visant à discréditer le syndicat », il refuse d'« entrer dans la polémique à travers des communiqués ». Ainsi, leur objectif est d'« éviter qu'à l'avenir une telle tragédie ne puisse se reproduire ». Afin de tirer tout au clair, le syndicat invite la direction de la CNAN à « un débat télévisé en direct pour infirmer, par des preuves tangibles, ses allégations contre les officiers qui ont démontré, tout le long de leur carrière, leur dévouement et abnégation au travail ». La polémique ne semble pas cesser tant que la lumière n'est pas faite sur cette tragédie, surtout qu'une commission d'enquête a été installée.