La peur et le choc suscités par le double attentat à la voiture piégée, perpétré le 11 décembre dernier par le GSCP – devenu Al Qaïda Maghreb –, au cœur de la capitale, n'ont pas encore disparu. S'estimant peu protégée, la population craint de revivre l'enfer qu'elle a enduré durant les années quatre-vingt-dix. Certes, le terrorisme a, pour reprendre une expression aujourd'hui consacrée, bel et bien perdu la guerre. Néanmoins, il n'est pas une hérésie que de dire que les terroristes conservent une capacité de nuisance qui leur permet, pendant quelque temps encore, de jouer sur les nerfs des Algériens et, plus grave, de poursuivre leur entreprise criminelle. Inutile de reprendre, ici, le débat sur la politique sécuritaire du pays, provoqué, c'est le mot, par les attentats kamikazes qui ont pris pour cibles les quartiers résidentiels de Ben Aknoun et de Hydra. Là n'est pas le propos. L'on regrettera toutefois que ces attentats meurtriers aient fait l'objet de tentatives d'exploitation politicienne. Le climat délétère dans lequel a, depuis, plongé le pays est aggravé par une profonde crise sociale. Crise qui, visiblement, est bien partie pour s'inscrire dans la durée au regard des échecs répétés des pouvoirs publics à juguler l'inflation, les pénuries et la perte drastique que connaît le pouvoir d'achat. L'addition est corsée par une autre inaptitude du gouvernement : celle de répondre aux demandes les plus élémentaires de la population, alors que le pays dispose d'importantes ressources financières. Comme celles, par exemple, de rendre plus accessible le logement ou de donner des emplois durables aux bataillons de chômeurs que les chants des sirènes de l'immigration clandestine continuent à précipiter dans les crocs mortels de la Méditerranée. Aujourd'hui, le désarroi de la société est tel que le terrorisme peut parfois passer au second plan sur l'échelle des préoccupations de la population dont de larges pans, concentrés dans des mégabidonvilles, sont réduits à la mendicité. Car tout le monde conviendra qu'il est difficile d'attendre d'une société un sursaut patriotique ou républicain quand celle-ci a les pieds dans la boue et le ventre vide 12 mois de l'année sur 12. Et, qui plus est, quand l'argent de la rente paraît encore et toujours profiter à ceux qui, déjà, en ont le plus. Ce constat amer fait d'autant plus mal qu'il existe aujourd'hui des pays (c'est le cas du Maroc et de la Tunisie pour rester dans la proximité) qui, bien qu'ils recèlent infiniment moins de ressources que nous, parviennent tout de même à créer, chaque année, de l'emploi et de la croissance. Et en plus, haut la main. Et contrairement à nous, au Maroc et en Tunisie, on ne se contente pas de (ré)inaugurer à la saint-glinglin des cités construites à la mode soviétique mais d'offrir régulièrement des villes entières à leurs citoyens. C'est à croire que chez nous la crise de logement est beaucoup plus d'ordre politique qu'autre chose. De là, une question mériterait d'être posée : en quoi l'équation un logement pour chaque Algérien constitue-t-elle une menace pour le pays ? Qu'on nous l'explique !