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« L'enseignement du français ne peut se faire que si l'on tient compte des langues nationales » Mme Madeleine rolle Boumellic. Secrétaire générale de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF)
La tenue du premier Congrès arabe de la francophonie au Caire (5 au 10 décembre dernier) restera comme un repère dans la marche des pays arabes vers le progrès et la modernité. En l'inscrivant dans la problématique du dialogue des cultures et de la cohabitation linguistique, ses organisateurs — les Associations libanaises et égyptiennes des professeurs de français — ont voulu donner le coup d'envoi d'une éducation interculturelle qui reste à promouvoir dans nos systèmes éducatifs. L'enjeu se situe au niveau de l'acte pédagogique, dans la salle de classe. Les enseignants de langues —arabe, français et autres — sont aux avant-postes de cette passionnante aventure intellectuelle : amener les enfants de cultures différentes à se respecter, à fraterniser. La Fédération internationale des professeurs de français ( FIPF) coordonne les activités des associations nationales sur plus d'une centaine de pays. Dans ses plans d'action, cette organisation s'investit, elle aussi, dans cette perspective éducative de dialogue et de solidarité. En marge du Congrès arabe de la francophonie, la secrétaire générale de la FIPF nous a accordé un entretien. Quelles sont vos impressions après la tenue de ce premier Congrès arabo-francophone ? Ce congrès a été pour moi une réussite totale. En effet, il a permis de réunir non seulement les associations des 5 pays de la Commission du monde arabe (Maroc, Tunisie, Mauritanie, Liban et Egypte), mais aussi des groupements de professeurs d'autres pays qui vont bientôt adhérer à la FIPF comme membres actifs (Algérie, Syrie, etc.). Ce qui m'a fait plaisir, c'est de voir que l'Algérie était très bien représentée avec au moins 14 professeurs. La CMA est donc en train de prendre une place importante au sein de la FIPF. Tout cela, on le doit au travail considérable effectué par l'association égyptienne et sa présidente Gharrâa Mehana qui a su relever le défi de succéder à l'association libanaise dans la préparation du congrès et veiller à lui accorder une place de choix tout au long du déroulement du congrès. Dans sa conférence, M. Boutros Ghali a insisté sur le rôle et l'engagement des Etats pour asseoir un dialogue fécond entre les deux aires culturelles. La FIPF a-t-elle un rôle à jouer dans la sensibilisation de ces autorités ? A titre d'exemple, en Algérie l'association des enseignants de français n'a pas reçu d'agrément à ce jour. La FIPF a pour objectif d'aider les enseignants de français du monde entier dans leur tâche d'enseignement et de diffusion de la langue française. Or, l'enseignement de la langue française ne peut se faire efficacement que si l'on tient compte des langues nationales (enseignement, culture, etc.) et que l'on s'appuie sur les structures administratives locales. Ainsi, pour qu'une association de professeurs de français obtiennent l'agrément, il faut qu'elle construise son projet en parfaite harmonie avec les autorités de son pays. C'est seulement dans cette condition que la FIPF pourra, avec l'aide des structures françaises sur place, l'aider à obtenir cet agrément. Vous avez séjourné en Algérie. Quelle est votre appréciation du développement de la francophonie dans ce pays ? J'ai effectivement séjourné 5 ans en Algérie où, en tant qu'attachée de coopération pour le français à l'ambassade de France à Alger, j'ai été chargée du développement du français dans l'enseignement supérieur. Parmi les nombreux projets que j'ai conduits, il y en a un qui m'a particulièrement occupé et qui me tient à cœur. C'est la mise en place de l'école doctorale de français sur 23 universités algériennes et qui compte actuellement 1840 étudiants. A terme, c'est près de 1500 docteurs de français qui sortiront de cette école doctorale en réseau. Je tiens ici à rendre hommage à tous mes collègues algériens, qui, pendant ces 5 années, n'ont pas ménagé leurs efforts pour que cette école existe et qui en ont fait leur école. C'est en cela que ce projet de coopération est aux yeux de tous une réussite. Bon courage à tous ! Pour revenir au développement de la francophonie en Algérie, je dirai une chose : le français fait partie de la polyglossie algérienne et évolue à sa manière au contact de l'arabe et du berbère. D'autre part, ce n'est pas parce que les jeunes parlent moins bien le français que la francophonie recule. Bien au contraire, comme en témoigne le choix du français dans l'enseignement supérieur pour une grande partie des disciplines. Des décisions sont à prendre quant à un meilleur apprentissage des langues (arabe, français, etc.). C'est en optimisant l'enseignement de la langue première que les jeunes maîtriseront facilement les autres langues, dont le français. Une fois les recommandations du congrès faites, à qui revient la lourde responsabilité de les mettre en application ? Les associations seules ne le pourront pas. Nous sommes en train de préparer, au niveau de la FIPF, un vaste projet qui a pour objectif la dynamisation et la professionnalisation des associations des professeurs de français.