"Les longues et interminables chaînes devant les guichets de la Cnas et les contrôles médicaux ne seront plus qu'un mauvais souvenir. Désormais, tous les assurés transporteront sur eux tout leur dossier médical, qui ne pèsera même pas dix grammes." C'est en ces termes que le docteur Chawki Achek-Youcef, directeur de la Cnas de la wilaya de Mila, résume les bienfaits de la carte à puce Chifa, dont il est l'un des concepteurs. Constantine : De notre bureau Avec plus de sept millions d'assurés et quelque vingt-huit autres bénéficiaires, la Cnas peut se targuer d'être l'institution la plus connue d'Algérie, et parfois même la plus décriée. La Cnas, c'est aussi 80% de la population couverte, 35 milliards de dinars en forfait hôpitaux, 3 milliards de dinars en convention de services spécialisés, 54 milliards de dinars en produits pharmaceutiques et plus de 50 millions d'ordonnances remboursées par an. Des chiffres à donner le tournis au plus compétent des comptables. Et c'est sans doute pour contrer toutes les difficultés inhérentes à la sécurité sociale que la carte à puce Chifa est née dans les " laboratoires " des cadres du ministère de la santé. Pour le moment, cinq wilayas du pays ont été touchées par " la grâce " de la carte à puce. Il s'agit de Boumerdès, Annaba, Médéa, Oum El Bouaghi et Tlemcen, avec quelque soixante-dix mille assurés. Ces wilayas, qui ont pour l'instant le statut pilote, seront suivies par cinq autres dès le mois de janvier 2008, à savoir Blida, Constantine, Mila, Souk Ahras et Oran. Le système Chifa, puisqu'il faudra l'appeler ainsi, sera l'axe principal autour duquel tourneront dorénavant tous les préceptes sanitaires algériens, et où tout ne sera que bénéfice matériel et temporel pour tous les acteurs concernés. A ce propos, le Dr C. Achek-Youcef dira : " Il y a d'abord les professionnels de la santé qui auront à portée de…micro l'accès à l'historique du malade. Cet historique comprendra la traçabilité du parcours des soins, qui aidera à établir un diagnostic précoce, évitera les actes inutiles, ainsi que les surcoûts et la surconsommation, sans oublier l'amélioration des soins et le renforcement des relations confraternelles ". Et d'enchaîner : " Ensuite, il y aura l'assuré social dont l'identification sera facile et complète. Il aura une carte unique pour faire valoir ses droits, lui simplifiant les procédures de remboursement, et qui redonnera tout son sens à la relation médecin-malade. Cette carte réduira considérablement le " nomadisme " médical, fidélisera le malade et sera un préavis à la généralisation du tiers-payant. Enfin, pour la Cnas, cet instrument sera incontournable, car il sera un préalable à tout remboursement et conventionnement. Les gestionnaires de la Cnas pourront avoir une meilleure maîtrise des dépenses, ainsi qu'une dématérialisation des documents, ce qui accélérera les remboursements (AS et PS).La carte Chifa sera, de même, un moyen de renforcement de la lutte contre les abus et les fraudes et un vecteur de transmission d'informations ". Réticences des médecins Matériellement, la carte à puce Chifa comportera les données visibles, comme le nom, le prénom et le numéro d'immatriculation de l'assuré, en plus de sa photo et des données visibles inscrites sur le composant électronique. Cinq catégories de données seront disponibles sur cette carte, notamment les données administratives, celles portant droit aux remboursements des prestations, celles médicales, celles portant historique des actes médicaux prescrits, ainsi que celles techniques relatives à la sécurisation et à l'utilisation de " Chifa ", sans oublier les données médicales : groupe sanguin, code de l'affection de longue durée, médicaments contre-indiqués et code du médecin traitant. Le rôle " d'espion " de la carte à puce Chifa ne s'arrêtera pas à ce niveau, puisque celle-ci comprendra aussi un sujet auparavant tabou, et qui a trait aux informations concernant le professionnel de la santé (PS), comme son identification, sa spécialité, son code CP de domiciliation, son lieu de travail, ses clés de signature et authentification, et s'il est conventionné. Ces professionnels de la santé incluent les médecins " cabinards ", généralistes ou spécialistes, les pharmaciens d'officine ou autres, les dentistes, et les établissements de soins, hôpitaux et cliniques, publiques ou privées. Et comme devait le dire Mme Bougrine, conseillère auprès du DG de la Cnas, lors d'un séminaire sur la carte à puce à Constantine, " l'Algérie est à l'aube d'une révolution informatique, première en Afrique et dans le monde arabe ". Cette carte, tant louée, sera généralisée en 2013 au plus tard, pour mettre à la poubelle, au sens propre comme au sens figuré, les montagnes de papier qui encombraient aussi bien l'assuré que les professionnels de la santé et la Cnas. D'une conception algérienne à 100%, Chifa pourra néanmoins rencontrer des difficultés d'application de la part de certains médecins privés, et surtout des cliniques du même statut. Un sous-directeur de la direction générale d'Alger nous informera, déclarant ceci : " Nous avons déjà rencontré des réticences de la part de plusieurs médecins et de cliniques dans les wilayas pilotes que sont Boumerdès, Annaba, Médéa, Oum El Bouaghi, et Tlemcen. Le chiffre d'affaires, qui était du domaine du secret, sinon manipulé, ne le sera plus avec la carte Chifa. Et plusieurs PS du privé ne l'entendent pas de cette oreille et rechignent à collaborer, certains poussant même le bouchon jusqu'à refuser les malades, qui tiennent à ce que les informations médicales les concernant soient inscrites sur Chifa. Je tiens à rappeler que l'utilisation de la carte Chifa, dès sa mise en circulation, sera obligatoire, et aucune personne ne pourra se soustraire à ce contrat ". En tout cas, la machine est apparemment bien huilée, même si le site Internet de la Cnas, où doivent être " déversées " toutes les informations médicales et administratives, enregistre quelques couacs, et la carte Chifa sera dans quelques mois un gage de bonne gouvernance, malgré les embûches et les obstacles que certains veulent dresser.