Quel est l'événement économique le plus important pour l'Algérie en ce début de l'année 2008 ? L'entrée - presque intégrale - de la Tunisie dans la zone de libre-échange avec l'Union européenne le 1er janvier. Les derniers tarifs sur les produits industriels ont été levés au bout d'un processus de 12 années de baisse progressive. Le même événement attend l'Algérie le 1er janvier… 2017. Décalage au départ, décalage à l'arrivée. Cela offre tout de même un avantage : voir les autres arpenter en éclaireurs le même chemin de montagne. Le Maroc y arrive dans deux ans. Alors quelles sont les nouvelles de Tunisie ? Plutôt bonnes disent les officiels tunisiens. Ils en prennent pour preuve qu'ils n'ont jamais eu besoin de recourir au mécanisme de sauvegarde prévu dans l'accord d'association avec l'UE, celui qui a codifié le démantèlement tarifaire depuis le 1er janvier 1996. Jamais les produits européens n'ont totalement mis à mal la production tunisienne concurrentielle au point de lever le pouce pour un certain délai comme permis dans l'accord. Les filières industrielles algériennes pourront-elles afficher la même résistance lorsque la baisse des tarifs douaniers pour les biens industriels européens finis, qui a commencé en silence ce 1er janvier, deviendra significative ? Il faut ici bien voir ce qui s'est passé en Tunisie. Les entreprises tunisiennes se sont mises à niveau. Les partenaires européens ont délocalisé de nombreuses activités plus compétitives sur le sol tunisien. Cela a bien aidé à amortir le choc. Exemple, le programme de mise à niveau a concerné 70% du tissu industriel, c'est-à-dire près de 4000 entreprises. Les autorités tunisiennes, les chefs d'entreprise n'ont pas lâché le moindre euro prévu dans les programmes d'amélioration de la qualité et d'encouragement aux exportations, à travers le Famex (Fonds d'accès aux marchés d'exportation). Sur la période de mise en œuvre de l'accord d'association avec l'UE, la Tunisie a réussi à faire progresser ses exportations vers l'Europe plus vite que ses importations depuis l'Europe. 10% contre 7,5%. Lorsqu'on sait que l'Europe absorbe 80% des exportations tunisiennes, la performance n'est pas anodine. En fait, la relative réussite de la Tunisie dans l'application intégrale de son accord d'association ne répond pas à la question de sa nature, bonne ou mauvaise, pour les économies des pays maghrébins, car le solde dépend surtout de la mise en œuvre. Dans le cas de la Tunisie, les fonds prévus pour la modernisation des PME tunisiennes ont permis d'en améliorer la capacité à devenir des partenaires dans le réseau de la sous-traitance régionale. La venue des IDE dans les filières à valeur ajoutée industrielle a fait le reste. En 2008, la Tunisie affiche le premier revenu par tête d'habitant du Maghreb si l'on exclut le biais pétrolier qui place la Libye devant et l'Algérie au même niveau. Ces prix intérieurs sont les plus élevés de la région. Comme pour un pays qui a changé de rang. Son économie n'a pas fini de profiter de la possibilité de réexporter sans frais de douanes vers le colossal marché européen. En fait, elle ne fait que commencer. Comme le montre l'inscription de la Tunisie en tête des favoris pour accueillir une partie importante de l'activité de sous-traitance de l'aéronautique européenne (EADS et Dassault). La remontée tunisienne de filière technologique, plus haut que le textile et la confection longtemps métiers phares, libère des créneaux pour les PME algériennes. L'exemple tunisien devrait surtout servir à réduire l'appréhension de la concurrence européenne. Elle n'est pas la plus indiquée pour étrangler l'activité de production locale. A deux conditions : les PME se modernisent, les investisseurs étrangers viennent en Algérie. Pas inutile de les répéter. Car à Alger, après trois ans d'application de l'accord d'association avec l'UE, la leçon tunisienne est toujours boudée.