Le décor est planté : portraits géants de « l'homme de la paix et de la réconciliation », des centaines de personnes entassées derrière les haies de sécurité et des troupes de karkabou. Tamanrasset. De notre envoyé spécial Il est environ 11h30. Le cortège présidentiel arrive en trombe. Descendu de sa voiture, le chef de l'Etat reçoit une gerbe de fleurs, des bises et se dirige vers la foule qui scande des slogans tels « Tahia Président (vive Bouteflika) » ou encore « Oûhda talitha li raïs (un troisième mandat pour le Président) ». Les troupes folkloriques se mettent au travail. Les baroudeurs aussi, donnant une ambiance de fête. Le Président fait des centaines de mètres à pied, allant dans tous les sens pour serrer la main à ceux qui sont venus l'accueillir. Parmi la foule, les enfants, des écoliers surtout qui se distinguent facilement par leurs lourds cartables, sont en force, figés devant cette scène de liesse. L'attentat de Batna le 6 septembre 2007, qui s'est soldé par 22 morts parmi la population venant accueillir le chef de l'Etat, semble être jeté aux oubliettes. Des militants politiques, des représentants d'associations, des syndicats et les scouts musulmans sont là. Un détail : aucune banderole ni affiche réclamant au Président une nouvelle candidature n'a été exhibée par le FLN, principal promoteur de la révision constitutionnelle et du troisième mandat. Au fur et à mesure que le Président poursuit sa marche sur le principal boulevard de la ville de Tam, les cris de la foule s'accentuent : un mélange de youyous et de sifflets. Tout souriant, il salue une dernière fois la foule, se glisse dans la voiture présidentielle qui se dirige vers la maison de l'artisanat, à quelques encablures de l'accueil populaire. Les réserves du président A son arrivée à 10h30, le Président inaugure l'aéroport de Tamanrasset, rebaptisé au nom de celui qui fut jadis l'autorité morale des Touareg, à savoir Bey Ag Akhamoukh. Il est accompagné de onze ministres, représentant des secteurs d'activités comme ceux de l'eau, des transports, de l'énergie, de la culture, de la justice, de l'éducation et de l'enseignement supérieur. Sans tarder, le chef de l'Etat procède à la pose de la première pierre du projet d'alimentation en eau potable de la ville de Tamanrasset à travers In Salah. D'emblée, le Président qualifie le projet, dont le coût s'élève à un milliard de dollars, de promoteur pour la région de l'Ahaggar, à l'image du barrage de Beni Haroun à l'est du pays, de Taksebt à Tizi Ouzou et du MAO à l'Ouest. « Là où il y a l'eau, il y a la vie. C'est un signe de début de développement », lance-t-il en direction du présentateur du projet qui lui fait savoir que l'ensemble du projet pourrait être achevé en 2010. Abdelmalek Sellal, ministre des Ressources en eaux, souligne au Président qu'une fois le projet concrétisé, des centres de vie verront le jour tout au long de la Transaharienne. Les travaux de construction d'un réseau de collecte d'eau sont déjà entamés à Tam. Il comprend six stations de pompages, une chambre de comptage et de contrôle, une station de déminéralisation d'une capacité d'un million de mètres cubes par jour. Le président Bouteflika a toutefois émis des réserves sur la construction d'un réservoir d'arrivée d'une capacité de 50 000 m3/jour. Selon lui, un tel réservoir est « petit » pour répondre aux besoins de la population locale d'ici 2020. D'après les estimations de M. Sellal, les besoins en eau potable de Tam seront de 60 000 m3/jour d'ici une quinzaine d'années. « c'est dur de vivre ici » Pour cette raison, M. Bouteflika a demandé à ce que les capacités du réservoir soient doublées pour passer à 100 000 m3/jour. « Pourquoi ne pas sauter sur l'occasion pour réaliser un réservoir de 100 000 m3 ? », indique-t-il. Après ce point, le Président se dirige vers le centre universitaire nouvellement construit et baptisé au nom de Hadj Moussa Akhamoukh, chef des notables touareg très influent dans la région, décédé en décembre 2005. Le centre universitaire dispose de 2000 places pédagogiques et de 1000 lits. Loin d'afficher un teint d'excellente forme, le chef de l'Etat poursuit doucement son périple et inaugure d'autres infrastructures dont la nouvelle cour de justice qui créera 70 nouveaux postes d'emplois. Cela avant de prendre le chemin du stade communal où une foule l'attendait sur les gradins. Là, le Président, oubliant son âge, s'adonne à une partie de foot avec des chérubins. Dans les gradins, l'ambiance est tout autre. A l'aide d'un mégaphone, une personne en costume, la quarantaine passée, réclame d'une voix rauque un troisième mandat pour Bouteflika. Des gestes de sa main, il demande à ceux qui occupent les gradins, des jeunes de moins de 16 ans en grande majorité, de le soutenir dans sa « démarche ». Et à ceux-ci de prendre le relais : « Oûhda talitha li raïs ». Cela dure une dizaine de minutes. Enchanté par cet appel, le Président se dirige vers les tribunes et salue de ses deux mains ces « militants ». Dans l'après-midi, le premier magistrat du pays procède à l'inspection de plusieurs projets en cours, l'inauguration et le lancement d'autres. Les habitants de Tamanrasset apprécient différemment cette visite. Il y a ceux qui pensent qu'elle va apporter plus de développement à la région et ceux qui n'y voient qu'une tournée politicienne, voire électoraliste. Une chose est sûre : la population de Tamanrasset ne cache nullement sa colère contre la cherté de la vie. « Un kilo de pomme de terre à 90 DA, une boîte de lait à 95 DA, que voulez-vous que je vous dise : c'est plus que dur de vivre ici », lâche un autochtone qui dit exercer une profession libérale.