Le mot d'ordre de grève a été largement suivi par les enseignants, les universitaires, le corps de la santé et les fonctionnaires de l'administration. Un membre de la coordination qualifie le gouvernement d'« autiste » et dénonce le mépris et l'indifférence affichés à leur égard par les hauts responsables du pays. Le chef du gouvernement Abdelaziz Belkhadem était hier à Madrid. Il devait participer au forum sur l'alliance des civilisations. Le déplacement du chef de l'Exécutif en Espagne ne susciterait pas des interrogations s'il ne coïncidait pas avec le mouvement de protestation observé par douze organisations syndicales affiliées à la Coordination nationale des syndicats autonomes de la Fonction publique en plus du CLA. M. Belkhadem, estime le porte-parole de cette nouvelle structure, aurait pu déléguer un membre de son gouvernement pour le représenter à cette rencontre afin de se consacrer aux doléances des initiateurs de ce débrayage. Notre constat se confirme davantage sur le terrain. Les hauts responsables de ce pays méprisent le peuple. Nous appelons depuis des années à l'ouverture d'un dialogue avec les partenaires sociaux les plus représentatifs, en vain, et M. Belkhadem donne en Espagne une leçon sur la notion du dialogue. Un dialogue inexistant dans son pays ! », s'exclame M. Rahmani, premier responsable du Cnes, qui qualifie sans hésitation le gouvernement algérien d'« autiste ». Toutefois, les syndicats autonomes ne désespèrent pas et ne comptent pas baisser les bras, bien au contraire ils envisagent de radicaliser le mouvement jusqu'à la satisfaction de leurs revendications. Hier, les animateurs de la grève ont affiché leur entière satisfaction quant au taux de suivi du mot d'ordre de débrayage qui a dépassé dans toutes les wilayas, notamment dans quelques secteurs, les 80%, en dépit de « certaines manœuvres visant à casser le mouvement ». Des pics de 100 % M. Meriane, porte-parole de la coordination, a parlé d'« un raz-de-marée et d'une grève massivement suivie ». Elle a atteint les pics de 100% dans les régions où le marasme a dépassé son paroxysme. Aux environs de 13h, la ville de Tizi Ouzou était complètement paralysée, que ce soit au niveau des structures sanitaires, des établissements scolaires ou de l'administration publique. Pour ce qui est du secteur de l'éducation, les établissements scolaires n'ont pas été opérationnels à plus de 90%, notamment à Adrar, Saïda, Oran, Oum El Bouaghi, Béchar, Annaba, Constantine. « En moyenne, 70 à 80% des établissements du secondaire n'ont pas prodigué de cours alors que les écoles primaires et moyennes n'ont pas été opérationnelles à hauteur de 90% et ce à l'échelle nationale. » Concernant le corps de la santé, la grève, fera remarquer notre interlocuteur, a été très bien suivie malgré la manœuvre du ministère de la Santé visant à démobiliser les gens. Sur justement ce point, Docteur Yousfi, président du SNPSSP, a tenu à dénoncer les agissements du ministère. Le DRH au niveau du département de M.Tou a adressé hier matin une note à tous les médecins les informant de l'illégalité de la grève du 15 en arguant que la tutelle n'a pas été mise au courant d'un quelconque débrayage. Pourtant, il y a huit jours, les animateurs du mouvement ont remis un préavis de grève en bonne et due forme au service du ministère. Docteur Yousfi regrette une telle démarche qu'il qualifie d'« une initiative maladroite ». « Après le dépôt du préavis de grève, nous avons attendu un signal des hauts responsables ou une invitation au dialogue, en vain. Je dénonce cette manœuvre », a soutenu notre interlocuteur en rappelant que les syndicats autonomes du secteur de la santé savent pertinemment que leurs revendications ne relèvent pas des prérogatives de la tutelle, mais plutôt du gouvernement. Un signal fort Cependant, M. Yousfi se réjouit du sens élevé de responsabilité des fonctionnaires de la santé qui ont répondu favorablement à l'appel lancé par les syndicats pour l'observation d'une journée de protestation. La fourchette varie, selon notre interlocuteur, d'une région à une autre. A Béjaïa, Oum El Bouaghi, Ghardaïa, Mascara, la grève a été suivie à hauteur de 100%, ailleurs elle avoisine les 85%. Du côté de l'université, M. Rahmani tient à préciser qu'à l'exception d'Alger, où le taux de participation à la grève était timide du fait que les universités de la capitale fonctionnent avec 40% d'enseignants vacataires, et ces derniers n'ont pas le droit d'adhérer à un mouvement de contestation, dans les autres villes, notamment Oran, Annaba, Sidi Bel Abbès, Tizi Ouzou, la grève a eu l'écho souhaité par ses initiateurs. Cette grève est un signal fort adressé au gouvernement qui renseigne sur la détresse des universitaires. Aujourd'hui, tonne M. Rahmani, les universités algériennes sont en train de se vider, certains la quittent pour fuir à l'étranger et d'autres pour s'installer à leur compte. « Il y a un grand problème de management. Actuellement, douze syndicats autonomes et pas des moindres ont enclenché une grève. Ces syndicats représentant une force de proposition peuvent contribuer à trouver des solutions à la crise dans laquelle se débattent les fonctionnaires. Ce débrayage n'est qu'un début », a soutenu l'orateur estimant que le gouvernement doit se décider à ouvrir le dialogue avec eux. « C'est une responsabilité et une décision historique que d'ouvrir le champ aux syndicats autonomes, car les museler n'est nullement une solution puisque nous n'allons pas nous taire », a-t-il précisé. Pour sa part, le Snapap s'est également félicité du taux de suivi de la grève au niveau de certaines administrations, en dépit de l'opération du « porte-à-porte » initiée par un clan et visant à dissuader les fonctionnaires à prendre part au débrayage. L'action d'aujourd'hui, tient à rappeler le responsable de ce syndicat, a pour but d'inciter les pouvoirs publics à les reconnaître en tant que partenaires incontournables dans les négociations. « Il est temps que l'on prenne en charge le champ social. Nous ne demandons pas l'assistanat ou la rente. On souhaite seulement un salaire digne de notre fonction », a rappelé le responsable du Snapap.