Le tribunal de Hussein Dey statue sur une affaire de « fausse fridha » qui omet « sciemment » de nombreux héritiers légaux. Deux personnes au prétoire : d'un côté un homme d'une soixantaine d'années, de l'autre, une femme, la quarantaine. Le premier cité comparaît en tant qu'accusé tandis que la femme, nièce de celui-ci, se présente au tribunal en tant que victime. C'est l'affaire qu'a eu à traiter le tribunal d'Hussein Dey le 23 janvier 2008 en audience publique. La présidente : « Vous avez prétendu que vous étiez le seul héritier d'un frère à vous, disparu durant la guerre de Libération nationale. Pour ce faire, vous avez fait signer des documents chez le notaire, à savoir la fridha, dans le but de déshériter d'autres héritiers. Pourquoi avez-vous fait cela ? », interroge la juge. L'accusé : « Je n'ai rien fait de mal madame. Je n'ai fait que faire valoir mon droit d'héritier légal unique de mon défunt frère tombé au champ d'honneur en 1957. » S'appuyant sur le rapport de l'instruction judiciaire, la magistrate souligne le fait que le « défunt » est en fait une personne disparue et que son corps n'a jamais été retrouvé, sans pour autant douter de la qualité de chahid de la cause nationale. « Connaissez-vous la date exacte de son décès ? A-t-il une tombe ? Ce n'est pas le cas », relève la juge avant de souligner que le disparu avait laissé des frères et sœurs et que l'une d'elle réside actuellement en Egypte. « De ce fait, vous ne pouvez pas vous arroger le droit d'accaparer les biens laissés par votre frère. Votre sœur a le droit d'hériter ainsi que votre nièce qui est à côté de vous », ajoute la présidente de l'audience. Afin de faire la lumière sur cette affaire, le tribunal n'a pas omis de convoquer le notaire qui a établi les documents. Il est épinglé pour avoir établi un document qui a servi à l'établissement de la fridha. Le document en question est un acte (notarié) faisant ressortir la date du décès de la personne disparue durant la guerre de Libération nationale quelque part en Kabylie. La présidente de l'audience dit ne pas comprendre comment un notaire a-t-il pu faire signer deux témoins pour attester d'un décès jusque-là non encore établi avec exactitude. « Vous êtes notaire. Vous connaissez la loi. Savez-vous qu'en agissant ainsi vous vous êtes substitué aux services d'état civil. Il aurait été correct d'exiger un extrait de décès avant d'établir quoi que ce soit », soutient la juge à l'adresse d'un notaire qui ne trouve rien à dire. Les deux témoins qui ont signé le document notarial attestant que la personne disparue a été bel bien assassinée par les soldats français et qu'à leur connaissance le moudjahid n'avait laissé qu'un seul frère (ndlr l'auteur de la fridha, incriminé) se présentent aussi à la barre. Ils seront « remis à l'ordre » par la magistrate : « On ne signe pas un document d'une telle importance », souligne la juge avant d'inviter les témoins à rentrer chez eux. Quant à la personne impliquée, outre une peine d'un an avec sursis, elle est tenue à revoir sa copie, autrement dit une nouvelle fridha réhabilitant l'ensemble des héritiers légaux.