En fait, cela fait des années qu'un berger l'a exhumée et que les villageois l'ont transférée vers le cimetière local à l'aide d'un bulldozer. Cependant, pour des raisons que l'on ignore, la découverte de ce monument est passée inaperçue. Béjaïa : De notre bureau C'est par pur hasard que Djamel Moussaoui, TS en conservation archéologique, l'a vue au cours d'une visite dans ce village, dont nous tairons pour le moment le nom afin de protéger le site et la découverte. C'est également là que nous l'avons trouvée jeudi dernier, couchée sur l'herbe. Selon des renseignements que nous avons glanés sur place, elle a été d'abord placée debout sur son socle, mais elle a fini par tomber et la partie supérieure droite s'est cassée sans se détacher du reste. L'autre grande découverte a trait au site antique qui a livré la stèle funéraire. Un paysan, que nous avons interrogé, a bien voulu délaisser ses travaux de champ pour nous accompagner jusqu'à l'endroit exact où elle a été exhumée. Situé à près de deux kilomètres en contrebas des agglomérations et au milieu de pâturages où les habitants font paître leurs troupeaux, le site est un tumulus important, dénommé « Ikhervane Iroumyen », les ruines romaines, même si, à l'évidence, ces vestiges n'offrent aucune caractéristique romaine. Au-dessus des amas de pierres qui dominent le sommet d'une colline, les paysans, qui nous ont accompagnés, nous ont fait part de l'existence d'une importante nécropole. L'une des tombes, ouverte récemment et rebouchée à l'aide de grosses pierres, laisse voir des ossements humains, notamment, un tibia et un bassin. Recouverte de larges dalles, la tombe mesure près de 2 m de longueur pour 50 cm de largeur et elle est orientée nord-est. Il y a là, à l'évidence, des centaines de tombes. Non loin de là, deux autres tumulus, dont l'un dénommé « Ikhervane Net Qesrith » ou « les ruines de la forteresse », laissent à penser qu'à une époque de l'antiquité que les scientifiques pourront un jour déterminer, le site comprenait un ensemble de villages fortifiés. Selon les mesures sommaires que nous avons pu prendre, la stèle est longue de 2,10 m, côté gauche, et de 2, 40 m, côté droit. Son épaisseur est de 25 cm et son socle, piqué grossièrement au burin, mesure 70 cm. La face tournée vers le ciel comprend 5 rangées de gravures représentant des cavaliers portant des lances, des hommes vêtus de tuniques qui leur arrivent jusqu'aux genoux et une femme portant un bébé avec un enfant à ses pieds. Le bas relief est une scène de chasse d'un cavalier lancé au galop et qui s'apprête à tuer ce qui semble être un sanglier. Devant lui, deux animaux difficiles à identifier. Les deux côtés de la stèle renferment des gravures. En haut, il s'agit d'un homme debout, les bras levés vers le ciel, alors qu'en bas, l'homme semble en fuite ou en prière, les bras également levés vers le ciel. La face contre terre garde tout son mystère, mais selon les habitants que nous avons interrogés, elle est également entièrement illustrée. Pour en savoir un peu plus sur cette stèle, nous avons sollicité l'avis du chercheur et historien Jean-Pierre Laporte. Voici, en partie, sa réponse : « La découverte de cette stèle est sensationnelle. De taille importante, elle présente un aspect ‘‘romain'', mais la composition de sa décoration, très abondante, n'est pas romaine. Bien sûr, les photographies que vous m'avez envoyées ne me permettent pas de tout voir, mais je peux vous donner un premier diagnostic : compte tenu du lieu de la découverte et de la forme du décor, nous avons affaire ici à la stèle funéraire à la romaine d'un chef libyque, probablement du IIIe siècle après J.-C. » Rappelons enfin que deux autres stèles, datant probablement de la même époque, ont été découvertes en Kabylie. Il s'agit de la stèle d'Abizar, découverte en 1858 et de la stèle de Souama, découverte par Saïd Boulifa en 1910.