Celle que l'on appelle la doyenne du tapis d'Ath Hichem vient de nous quitter après une vie bien remplie de plus d'un siècle. Née en 1905, Nna Taous Ath Abdeslam fut initiée au tissage, spécialité de son village, dès sa tendre enfance. Après l'école où elle obtint son certificat d'études primaires, elle se consacra au tapis. En 1917, après le départ de Mme Adèle Malatere, elle prit la relève et enseigna en tant que maîtresse ouvrière, option « tapis ». La guerre de libération mettra un coup de frein provisoire à sa carrière. Dénoncée puis emprisonnée pour son engagement aux côtés des maquisards, elle fut torturée par ses geôliers qui tentèrent de lui soutirer des renseignements. A l'indépendance, elle en sortira plus forte et déterminée pour faire profiter de son expérience les jeunes filles de la région, sans formation ni instruction. Elle en fit des femmes qui, aujourd'hui mères de famille font face, grâce à ce métier, aux vicissitudes de la vie quotidienne. En 1965, elle se retrouvera monitrice au Centre de formation artisanal de Ouaghzen, dont elle deviendra, quelques années plus tard la directrice. Son adresse au travail, reconnue au-delà des frontières, lui valut de nombreuses distinctions. Ses rencontres avec Houari Boumediène et le président Bouteflika sont des souvenirs qu'elle nous relata avec fierté, il y a quelques années. Elle n'a pas oublié pas non plus le général de Gaulle qui la salua en 1965 à Paris, alors qu'elle représentait l'artisanat algérien à la foire internationale qui se tenait Porte de Versailles. Nna Taous est l'exemple même de la force de la nature, bien que d'apparence frêle et de petite taille. C'est à l'âge de 85 ans qu'elle prit son départ à la retraite. Ce qui ne la dispensa pas du métier à tisser plusieurs années après. Elle continuait à faire ses repas à l'âge de cent ans et lisait toujours le journal. Avec la disparition de cette petite femme aux grandes idées, c'est tout un pan de notre patrimoine culturel qui s'en va.