L'air hagard, les yeux éberlués, déguenillés et crasseux, quelques adolescents traversent la rue Larbi Ben M'hidi dans l'indifférence générale. Ils inhalent une substance toxique et dangereuse. Ce « psychotrope » de fortune, rudimentaire et archaïque est effrayant. Violence préméditée qu'alimente une existence misérable. Privilège exorbitant du droit à l'autodestruction, décliné machinalement. Facette douloureuse de mœurs suscitées par un infini désenchantement, un désespoir réel. Egarés dans la tourmente d'une vie exécrable, ces jeunes qui « sniffent » à pleins poumons une substance mortifère n'arrêtent plus leur descente aux enfers. Leur visage livide traduit un terrible engrenage. Celui d'une déchéance, d'un chaos intérieur, d'une marche forcée, vers un anéantissement. Leur hébétude en fait des êtres quasi désincarnés. Il ne s'agit pas de « psychologiser » outre mesure un acte destructeur. Et pourtant, cet étalage n'a rien d'accidentel, ni de fortuit. Reflet inquiétant d'une adolescence saccagée, démolie et jetée pieds et poings liés dans les affres d'une existence désespérante. S'infliger des sévices, s'administrer un régime brutal, laisse perplexe. La tyrannie des faits impose un sincère discernement, car cette adolescence qui dérive interpelle à plus d'un titre. Enrayer la mécanique de la déchéance qui happe et qui dévore sans rémission, abolir ce « privilège » de la souffrance des désabusés, ce jeu du bourreau et de la victime. Voilà bien une tâche qui soulagera de nombreux jeunes en totale déperdition.