La wilaya de Tizi Ouzou affiche un taux de livraison de 23,50% pour le programme de l'habitat rural, trois ans après son lancement. Quelles sont, selon vous, les raisons de ce retard ? Le retard est dû à trois raisons essentielles : il y a eu au lancement de l'opération un manque de vulgarisation et de maîtrise des procédures de mise en œuvre du programme. La première année (2005) a été pratiquement consacrée à la mise en place du dispositif. En deuxième lieu, il y a le problème lié au foncier. La wilaya n'étant pas cadastrée, le seul moyen d'obtenir un titre de propriété est la procédure de reconnaissance, par voie notariale ou le certificat de possession, établi par l'APC et qui n'est valable que pour le permis de construire. Ce document peut demander jusqu'à 4 à 6 mois pour être délivré, entre affichage réglementaire, avis de la direction des Domaines et de la commune. Le cadastre permettrait à tout citoyen d'obtenir sans délai son livret foncier et, subsidiairement, à la collectivité locale de recouvrer son impôt foncier. Il y a enfin la spécificité morphologique des terrains dans l'espace montagneux villageois qui rend le coût de la construction élevé. Les surcoûts sont générés par les terrassements importants et les soutènements qui en résultent. Un logement de type F3 de 75 m2 réalisé sur la zone de piémont peut revenir en autoconstruction à environ 1,5 million de dinars. Le même logement coûtera en zone montagneuse plus de 1,8 million de dinars, soit un surcoût moyen de 30 millions de centimes. Des présidents d'APC pensent que l'on a ciblé, à tort, les plus démunis qui n'ont pas pu lancer leur construction. Etes-vous de cet avis ? Plus de 3000 remplacements ont été effectués au niveau de la wilaya, ce qui démontre que les choix initiaux n'étaient pas judicieux. Il s'agit d'un programme de logement aidé par l'Etat, ce qui suppose que le bénéficiaire doit avoir des ressources pour financer une partie de son projet, les plus démunis ne le peuvent certainement pas. L'apport personnel est de 20%, qui sera couvert par la première tranche de l'aide, qui est de 10 millions de centimes. Mais l'engagement financier du constructeur est en moyenne deux fois supérieur, puisque les terrassements et la plate-forme peuvent coûter 20 millions de centimes. Il faut également compter les frais du dossier administratif et technique. Il aura été plus judicieux d'exiger des postulants un dossier portant plan de financement du logement pour identifier ceux qui peuvent concrétiser leur projet. Cela aurait permis aux demandeurs de comprendre dès le départ qu'ils sont appelés à mobiliser un apport financier personnel avant de percevoir la subvention de l'Etat. Il apparaît que les catégories qui se sont inscrites dans ce programme devraient être dirigées vers le logement social. Quelle est la situation du logement social locatif dans la wilaya ? Chaque fois qu'il y a une distribution de logements sociaux, l'on relève que le nombre de demandeurs est dix fois supérieur au nombre de logements réceptionnés. La pression dans ce secteur est évidente. Le nombre de logements sociaux locatifs inscrit pour la wilaya de Tizi Ouzou est de 8602 logements (PEC 2004 et programme quinquennal). Le nombre de logements livrés (début avril 2008, ndlr) est de 3712, soit un taux de 43,40%. Le retard dans ce secteur est en partie dû au manque de moyens de réalisation dans notre wilaya. Il y a également la question des terrains d'assiette. Les programmes de logements sont implantés dans les chefs-lieux des communes disposant d'un foncier urbain, celles qui en sont dépourvues sont par conséquent pénalisées. 29 communes sur 67 sont quasiment dépourvues de foncier urbain, donc dans l'impossibilité de recevoir un quelconque programme de logements ou autres équipements. La seule solution pour parer à ce problème est de doter l'agence foncière de wilaya d'un capital suffisant pour reconstituer le patrimoine foncier des communes, afin de permettre l'affectation de programmes mixtes, habitat et équipements. Il faut à mon sens admettre que le demandeur de logement ne veut pas forcément habiter la ville ou un chef-lieu de commune. La réalisation de logements sociaux locatifs « villageois » sur des terrains communautaires « mechmel » est une solution qu'il faudra envisager. La typologie de ces logements peut être adaptée à la spécificité villageoise, en semi-collectif et en R+1 à R+2. L'APW de Tizi Ouzou réclame un programme spécial de développement pour les hautes montagnes, à l'instar des Hauts-Plateaux et du Grand Sud. Où en est ce dossier ? Il faut souligner que toute intervention conjoncturelle visant la simple résorption de la problématique de l'habitat ne peut prétendre par cette seule voie offrir un avenir décent aux communautés villageoises. Autrement dit, il faudra nécessairement lier la problématique de l'habitat à celle des bases productives. Il est donc impératif de booster l'investissement créateur d'emploi dans la région avant d'espérer que les programmes d'habitat connaissent une véritable mise en œuvre. Si la commune de Timizart enregistre, à titre d'exemple, le plus fort taux de réalisation de l'habitat rural, c'est pour la raison essentielle qu'il existe une réelle activité agricole dans la localité, procurant des revenus aux citoyens. Par contre, si le programme piétine dans les communes de haute montagne, c'est dû au relief mais aussi à la disparition de toute activité économique dans ces contrées déshéritées. L'objectif d'un plan de développement destiné aux hautes montagnes est de maintenir les populations sur place et mettre un frein à l'exode rural qui commence à s'accentuer. La seule ressource qui maintient jusqu'à maintenant les gens dans leur village ce sont les pensions de l'émigration ou des ayants droit des martyrs, une rente qui tend à disparaître. Il y a urgence à préserver l'espace villageois et c'est cela l'enjeu d'un plan de développement massif et ambitieux. Cela passe par la généralisation des PPDRI pour l'amélioration des conditions de vie dans les villages, la réalisation des équipements de proximité, des routes, des pistes, le développement de l'agriculture de montagne par la mise en valeur des terres et la petite irrigation... Des financements conséquents doivent également être prévus pour supporter la mise à niveau des zones économiques (d'activité et d'expansion touristique). La viabilisation des zones d'activité au niveau de la wilaya demande un financement de 150 milliards de centimes et aucun budget n'a été débloqué pour l'heure pour le lancement des ZET. Sans une politique de relance de la vie économique et de création d'emplois, les programmes de l'habitat sont insuffisants et aléatoires.