L'ex-ministre des Affaires étrangères et ancien candidat à l'élection présidentielle de 1999, Ahmed Taleb Ibrahimi, a surpris hier plus d'un. Le président de Wafa, parti non agréé, a choisi Al Jazeera pour annoncer son retrait définitif de la vie politique du pays pour se consacrer à l'écriture de ses mémoires. Une décision qui, dit-il, a été prise depuis 2004. « J'ai décidé en 2004 de me retirer définitivement de la scène politique et je n'ai pas fait de déclarations depuis », a-t-il affirmé. Raison invoquée : le pouvoir, selon lui, ne lui a pas laissé l'occasion de mettre en œuvre son programme et les propositions qu'il incarne en se portant candidat à l'élection présidentielle de 1999. « Malheureusement, le pouvoir a choisi une autre voie, celui de la confrontation au lieu du dialogue. A chaque fois que l'occasion m'était donnée, j'ai rappelé ces positions jusqu'à 1999, j'ai cru que j'incarnais cette proposition en me portant candidat à l'élection de 1999. Malheureusement, les décideurs n'ont pas laissé le peuple s'exprimer librement. Ils ont imposé celui qu'ils voulaient et ce qu'ils voulaient », a-t-il indiqué. Ahmed Taleb Ibrahimi a réaffirmé dans ce sens son attachement à ses positions concernant les causes de la crise algérienne et la nécessité d'une véritable réconciliation pour sa résolution. Une proposition que, ajoute-t-il, le pouvoir a toujours rejetée en préférant la confrontation. « Durant les années 1990, j'ai lancé un appel pour une véritable réconciliation nationale entre tous les Algériens et où s'affronteront les avis autour d'une table et non un affrontement dans les villes et les maquis », a-t-il rappelé en réponse à une question concernant sa position par rapport à la charte pour la paix et la réconciliation nationale, engagée par le président Bouteflika. En outre, le président de Wafa revient sur les conditions d'interdiction de son parti et la campagne de dénigrement dont il a fait objet. « Après les élections de 1999, j'en ai déduit que la bataille n'est pas à armes égales entre une autorité qui possède tous les moyens de persuasion et de dissuasion et un candidat qui n'a que sa foi en Dieu et le soutien de son parti », a-t-il précisé. La situation ne s'est pas améliorée depuis 1999, puisque, a-t-il enchaîné, « le scandale s'est répété avec l'élection présidentielle de 2004 ». D'où sa décision de quitter la scène politique nationale. Taleb Ibrahimi conforte aussi le constat selon lequel le pouvoir n'a pas laissé émerger une opposition proprement dite. « On vit une situation d'impasse, on ne peut pas parler, dans le cas de l'Algérie, de l'existence d'une véritable opposition. Tout système a besoin d'une opposition qui lui donne une légitimité, ce qui n'est pas le cas du pouvoir algérien », a-t-il estimé. Selon lui aussi, « la rente n'est pas distribuée de façon équitable à tous les citoyens et la justice sociale n'est pas devenue l'objectif des pouvoirs comme c'était le cas durant l'époque du président Boumediène ». A ses yeux, « si tous les moyens que possède l'Algérie concourent vers le même but, on peut sortir de l'impasse », estimant qu'« avec la justice sociale, la lutte contre la corruption et le régionalisme on peut éviter des crises internes et celles qui viennent de l'étranger peuvent être évitées par l'unification de nos rangs ». Il profite de l'occasion pour lancer un appel aux Algériens de « s'éloigner des rancœurs et des calculs mesquins et de voir l'intérêt suprême de la nation ». A une question sur les résultats de la lutte antiterroriste, le Dr Taleb Ibrahimi déclare ne pas savoir ce qui se cache derrière la notion de terrorisme. Il renvoie cette question aux seuls décideurs algériens. Il parlera aussi de ses mémoires et de ses rapports avec le regretté Boumediène pour lequel il se considère l'héritier dont il assume les aspects positifs et négatifs de sa période. « Boumediène a fondé l'Etat algérien moderne et à son époque s'est constituée une classe moyenne dont on était fier (…), il a privilégié la justice sociale même aux dépens des libertés individuelles. » S'agissant du coup d'Etat de Boumediène en 1965, selon lui, « Boumediène a remis le système sur le droit chemin ». Sur l'Union du Maghreb arabe (UMA), il affirmera que le rêve des étudiants maghrébins qui souhaitaient l'union des pays maghrébins n'a pas pu se réaliser. Entre autres raisons, il citera notamment la question sahraouie, laquelle dit-il, doit trouver sa solution dans l'organisation d'un référendum d'autodétermination. Interrogé par ailleurs sur sa participation au 6e congrès du dialogue interreligieux tenu à Doha, le Dr Taleb Ibrahimi dit ne pas trop croire à l'intérêt de ces rencontres sur le dialogue des civilisations et les religions car, à ses yeux, « elles sont malheureusement caractérisées par un échange de louanges et de manque de pertinence ». Sur ce plan, il a estimé que le dialogue ne peut être productif avec les représentants de la religion chrétienne que s'il est précédé par la reconnaissance par ces derniers de campagnes d'évangélisation auxquelles est confrontée la nation musulmane. De même qu'avec les représentants de la religion juive, ce même dialogue ne peut être productif que s'ils reconnaissent pour leur part l'existence des massacres dans les territoires palestiniens. Evoquant la réaction de l'Etat algérien par rapport à ces campagnes d'évangélisation, il dira que les évangélisateurs ont mis à profit la période noire du terrorisme quand les autorités se sont occupées du terrorisme pour se répandre dans plusieurs régions algériennes. Il a estimé à ce propos que l'Islam est ciblé.