Transparency international (TI) accable, dans son rapport 2004 sur la corruption dans le monde ayant été rendu public le 9 décembre, les partis politiques qui, selon son baromètre mondial, sont les plus touchés par ce fléau. « Les partis politiques constituent l'institution la plus corrompue du monde. Dans 6 pays sur 10, ils (les partis) ont réalisé le plus mauvais score », est-il souligné dans le rapport. Le sondage d'opinion réalisé par Gallup International pour le compte de TI - et qui s'inscrit dans le cadre de son « Enquête sur la Voix du peuple » - classe les parlements, la police et le système judiciaire en seconde position sur « la liste des institutions les plus corrompues du monde ». Absence d'enquêtes en Algérie Sur un échantillon de 64 pays et de plus de 50 000 personnes interrogées, les citoyens de 36 pays ont avoué voir dans les formations politiques « le foyer de la corruption ». « Les partis de l'Equateur sont les plus mauvais élèves avec un score de 4 - l'échelle étant de 1 à 5, où 1 indique l'absence de corruption et 5 un taux extrêmement élevé -, suivis de ceux d'Argentine, d'Inde et du Pérou. Parallèlement, l'opinion publique estime que la corruption politique, ou grande corruption, est un problème très grave ; les interrogés pensent que la corruption touche davantage le monde politique de leur pays que le monde des affaires ou leur vie privée », est-il précisé encore dans le rapport. Pour TI, « les gouvernements doivent redoubler d'efforts » pour lutter contre ce fléau, notamment par la ratification de la Convention des Nations unies contre la corruption. Contrairement à l'année dernière, l'Algérie n'est pas classée dans ce rapport. La raison ? Djilali Hadjadj, porte-parole de l'Association algérienne de lutte contre la corruption, dit, lors de la conférence débat organisée jeudi au siège de l'UGTA à Alger, que « Gallup International, institut mondialement reconnu, qui mène des enquêtes dans différents pays, ne travaille que dans les pays où les conditions le permettent, notamment sur le plan sécuritaire, et que si les autorités gouvernementales l'autorisent à démarcher. Je n'ai pas d'information si l'Algérie a été démarchée ou pas, mais il est probable que le gouvernement algérien n'autorise pas ce genre d'enquête. » M. Hadjadj nous invite à faire le parallèle avec les pays qui sont plus ou moins dans la même situation que la nôtre. « Globalement, le classement du baromètre des secteurs les plus touchés est le même qu'en Algérie : les partis, les élus, la justice, la police et les marchés publics. » A la tête d'une association qui a pour mission de sensibiliser, d'informer et de mettre en place des coalitions qui permettront de combattre ce fléau, M. Hadjadj parle d'un projet d'enquête qui sera financé par des « bailleurs de fonds européens ». Si tout va bien, l'enquête sera lancée en 2005, selon lui. « J'espère que le gouvernement nous autorisera à mener cette enquête. Nous sommes en train de préparer le questionnaire », a-t-il souhaité. Ayant défendu la nécessité de rapatrier l'argent qui est détourné par les élites corrompues, M.Hadjadj parlera d'un certain nombre de « corrompus algériens des 40 dernières années qui ont mis des fonds un peu partout dans le monde, où il y a les paradis fiscaux, comme le Luxembourg, la Suisse, voire dans le Pacifique. On a su cela par différents recoupements. » Dans le même contexte, M. Hadjadj estime que l'Algérie enregistre une fuite de capitaux évaluée à près de 2 milliards de dollars annuellement. A l'occasion, M. Hadjadj n'a pas hésité à tirer la sonnette d'alarme. Pour lui, la corruption a atteint tous les secteurs en Algérie. « Un regard jeté sur l'ampleur des dégâts humains et matériels lors du séisme du 21 mai 2003 renseigne sur le degré de la corruption existant dans le secteur du bâtiment. Sans parler de l'affaire Khalifa qui a mis à nu toutes les défaillances du système bancaire », a-t-il indiqué. M. Hadjadj évoquera au passage l'absence, sinon le manque de la volonté politique pour en découdre avec ce fléau. Loi contre la corruption Nabil Hattali, chargé de mission à la Présidence de la République, présent à la conférence débat, est intervenu de son côté pour dire que « la volonté politique a été clairement affirmée par le président de la République qui a inscrit la lutte contre la corruption dans son programme électoral pour son deuxième mandat ». « Pour la première fois, un président de la République a demandé à ce qu'on élabore une loi anticorruption. Dans l'actuel code pénal, il existe quelques articles de loi sur la lutte contre la corruption, mais ce système est dépassé. Pourquoi ? Parce qu'en matière de corruption, le corrompu et le corrupteur, tous les deux, sont passibles de la loi. Il faut dire aussi que dans la vie de tous les jours, il y a des institutions qui luttent contre la corruption, notamment les services des Impôts, l'Inspection générale des finances, la Cour des comptes, la police, les services des douanes. L'idéal, c'est d'avoir un cadre global général et une synergie entre toutes les institutions chargées de lutter contre la corruption ». M. Hattali dira encore que « le Président a instruit le gouvernement de préparer cette loi et de l'accompagner d'un mécanisme efficace ». Selon lui, l'Algérie est dans le devoir de traduire les conventions internationales qui ont été, jusque-là, ratifiées par des lois nationales pour leur mise en œuvre. Ainsi, le Président a invité le gouvernement à asseoir un groupe de travail pour élaborer un dispositif législatif. Groupe de travail qui devra proposer des mécanismes adéquats pour lutter contre la corruption. Et également prévoir des mécanismes de coopération internationale pour lutter contre la corruption, telles que des dispositions de recouvrement des produits de la corruption. Pour étayer ses propos, le représentant de la Présidence a rappelé la mise en place récemment de la cellule de traitement des renseignements financiers. Cellule qui est chargée de traiter toutes les opérations financières suspectes.