Selon Nicolas Sarkis, « les pays pétroliers ont atteint les capacités maximales de leur production. Le choc est à venir ». Pour lui, ces pays devraient développer les énergies renouvelables. L'Algérie n'a pas encore de plan national sur les énergies nouvelles. L'économie algérienne est-elle bien défendue ? Le Conseil de la nation, qui a proposé le débat en son siège et puis au cercle national de l'armée (CNA) de Beni Messous à la faveur des quatrièmes journées parlementaires (JEP) sur la défense nationale, n'a pas répondu à la question. La défense économique est qualifiée de thème sensible par le général à la retraite Mustapha Chelloufi, président de la commission défense du Conseil de la nation. Selon lui, la sécurité alimentaire, la sécurité énergétique et l'intelligence économique sont liées à ce concept. Concept encore ignoré par la Constitution algérienne. Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation, a estimé que la défense économique exige aujourd'hui des projections d'avenir pour mieux la consolider. La protection de l'économie, comme exigence de sécurité nationale, est, d'après lui, indispensable pour garantir la stabilité des pays. Le président de la chambre haute du Parlement a dit s'exprimer en son nom personnel. Mahmoud Khedri, ministre des Relations avec le Parlement, qui a tenté de trouver une définition au concept de défense économique sans y parvenir, s'est attaqué au système de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui supprime les barrières commerciales. L'Algérie, qui n'a pas encore accédé à l'OMC, sera, selon lui, amenée à ouvrir son marché. « Nous l'avons fait après la signature de l'accord d'association avec l'Union européenne. Et nous le ferons avec l'OMC. Si on ne le fait pas, on sera réduits à commercer avec nous-mêmes », a dit le ministre, négligeant l'importance des négociations en pareilles situations. Il n'a rien dit sur ce que fera l'Algérie pour protéger sa production nationale à l'avenir. Il a parlé de « normes » et de « taxes ». Il a plaidé pour le renforcement des « capacités d'anticipation » de l'Etat sans expliquer comment cela se fera. Surtout que des institutions importantes d'analyse, comme le Commissariat général de planification et de prévision (CGPP) et l'Institut national d'études stratégiques globales (INESG), cités par le ministre, sont marginalisées depuis des années. Interrogé en coulisse sur cette mise à l'écart, un cadre de cet institut a eu cette curieuse réponse : « Nous sommes peu apparents parce que nous faisons dans le global » ! Le directeur du Centre arabe des études pétrolières, Nicolas Sarkis, n'a, lui, pas fait dans le « global », mais dans le « réel ». Il a expliqué « les menaces » qui pèsent sur les pays pétroliers et gaziers. Comme celles liées aux pressions – toujours renouvelées – des Etats occidentaux pour que les pays pétroliers augmentent leurs productions aux fins d'atténuer la surchauffe sur le marché. « Les pays de l'OPEP sont soumis à un véritable terrorisme intellectuel », a-t-il expliqué. Les grandes puissances ont, selon lui, engagé une course pour contrôler les sources d'énergie fossile. « Il y a une lutte pour partager les zones d'influence », a-t-il appuyé. « La Chine prépare la guerre. Elle a déjà mis en place un système militaire pour sécuriser ses approvisionnements à partir du Moyen-Orient », a-t-il ajouté. La consommation mondiale est toujours croissante. Elle a atteint, selon lui, les 87 millions de barils/jour. Situation liée, entre autres, à l'émergence de « nouveaux acteurs » comme la Russie, l'Inde et la Chine. Cela dit, l'économie d'énergie paraît vitale. « On gaspille trop de pétrole et de gaz. Aujourd'hui, le monde brûle l'équivalent de trois fois les réserves pétrolières de l'Algérie par an », a-t-il relevé. Il a estimé que les pays producteurs de pétrole et de gaz devraient réfléchir à trouver un équilibre entre la nécessité d'exporter pour assurer des rentrées en devises et sauvegarder les gisements. « Il faut penser aux générations futures », a-t-il conseillé. Selon lui, une nouvelle guerre des prix, comme celle qui a fait chuter le prix du baril à 9 dollars en 1986, n'est plus possible. « La raison en simple : les pays pétroliers ont atteint les capacités maximales de leur production. Seule l'Arabie Saoudite a encore des potentialités. Il y a une pénurie physique du pétrole. Le choc est à venir », a-t-il précisé, confirmant ainsi la thèse des experts sur « le pic pétrolier » et sur le déclin progressif des gisements d'hydrocarbures à travers le monde (processus commencé en 2006, selon des études). En Algérie, il n'existe toujours pas de données précises et consensuelles sur les réserves pétrolières et sur leur durabilité. « En Suisse, il y a ‘‘Silence, banque”. Dans certains pays, il y a “Silence, pétrole” », a dit l'expert libanais. Nicolas Sarkis a cité « le cas douloureux » de l'Indonésie, obligée de se retirer de l'OPEP pour cause de rupture définitive de production. Il a également évoqué l'exemple de l'Iran et du Mexique. Il craint une libanisation de l'Irak. « Il y a une telle animosité entre kurdes et Arabes que la gestion future du pétrole va opposer les Irakiens entre eux », a-t-il prévenu. Nicolas Sarkis est hostile au recours aux biocarburants comme alternative à l'énergie fossile. « Cette solution est à l'origine de la détérioration du système agricole mondial. On reparle déjà de famine », a-t-il noté. Le nucléaire n'est, à ses yeux, pas une solution non plus. « Trop de risques en sont liés : prolifération, accidents et séisme. Le nucléaire est une énergie durable, ses risques le sont aussi », a expliqué Nicolas Sarkis à la presse, en marge des travaux des JEP. Un baril de pétrole ne peut plus, selon lui, être vendu moins cher que la quantité équivalente d'eau minérale. Les cours mondiaux resteront élevés, d'après ses prévisions. Les prix pourraient dépasser les 150 dollars avant la fin 2008. Les pays producteurs de pétrole ont, selon lui, cette chance de pouvoir profiter de cette aisance financière pour développer les énergies renouvelables, réputées coûteuses. Mais, comme l'a souligné un intervenant, les pays pétroliers dépendent grandement de la technologie des pays du Nord pour développer les nouvelles énergies. Un casse-tête ! Reste qu'en Algérie, il n'y pas encore un plan national clair et précis sur les énergies nouvelles. Comme il n'existe aucune vision sur la manière de prolonger la vie des gisements pétroliers et gaziers...