Il n'est pas d'usage que le secrétaire général de l'ONU revienne sur un cas précis et en l'occurrence, ici, il s'agit du Liban, mais s'il le fait, c'est qu'il y a problème. Une manière bien diplomatique de le faire, puisque Ban Ki-moon s'est dit, jeudi, « déçu » par le manque de progrès à ce jour, dans la formation d'un gouvernement d'unité nationale au Liban. « Nous sommes très déçus du manque d'avancées pour former un gouvernement d'unité nationale » au Liban, a-t-il dit. Un fort espoir avait été suscité par la conclusion de l'accord interlibanais, immédiatement suivi par l'élection du général Michel Sleimane au poste de président de la République. Certains croyaient qu'en réglant la question de la vacance de ce poste depuis le 23 novembre dernier, allait suivre la succession de petites étapes que constituait l'accord de Doha. Mais force est de croire, et c'est ce qui donne raison aux sceptiques, que les contradictions libanaises sont bien plus profondes, puisque le premier ministre, Fouad Siniora, reconduit à son poste, peine visiblement à constituer son cabinet un mois exactement après cette période d'euphorie, sinon d'expectative. Et dans le cas du Liban, le dialogue se déplace dans la rue, avec ses heurts et ses barricades, rappelant les sombres heures de la guerre civile. L'élément inquiétant est cette promptitude à sortir ses armes pour régler les différends de toute nature. Tenant des propos rassurants, Ban Ki-moon a, cependant, indiqué que des responsables de l'ONU en contact avec le Liban lui avaient déclaré, plus tôt dans la journée, qu'un gouvernement pourrait être formé prochainement. « J'espère sincèrement qu'ils seront en mesure d'annoncer la formation du gouvernement d'unité nationale », a-t-il ajouté. Le gouvernement libanais et l'opposition menée par le Hezbollah ont conclu le mois dernier un accord de paix à Doha, au Qatar, prévoyant notamment la formation d'un gouvernement. L'accord avait mis fin à un an et demi de paralysie politique et permis l'élection, à la présidence de la République, du général Michel Sleimane, après six mois de vide. Mais les violences se sont récemment multipliées à travers le pays, alors que les responsables politiques ne parviennent toujours pas à se mettre d'accord sur la formation d'un gouvernement d'union nationale, en raison de divergences sur l'attribution des portefeuilles. Plus qu'une simple minorité de blocage, celle-ci étant acquise, il faut, cette fois, savoir qui fera quoi. Devant ce blocage, la majorité accuse cette fois le Hezbollah, et non plus l'opposition, de vouloir « faire capoter » l'accord de Doha et a rejeté sur le mouvement chiite la responsabilité des affrontements qui ont fait neuf morts cette semaine dans le nord du pays. « Les événements qui se sont produits à Beyrouth, dans la Bekaa et à Tripoli, ont prouvé l'intention du Hezbollah de faire capoter l'accord de Doha », accuse un communiqué du mouvement du 14 Mars. Accusant le Hezbollah de servir les intérêts de l'Iran, la majorité rappelle dans son communiqué que dans l'accord de Doha « tous les protagonistes se sont engagés à s'abstenir de recourir de nouveau aux armes ou à la violence pour réaliser des gains politiques ou pour le règlement de différends ». Neuf personnes ont été tuées depuis dimanche, dans des affrontements qui ont secoué Tripoli, la grande ville du nord du Liban, avant que l'armée et les Forces de la sécurité intérieure (FSI) ne se déploient dans la ville. Les combats ont opposé des sunnites partisans de la majorité et des Alaouites, une branche du chiisme, partisans du Hezbollah, fer de lance de l'opposition. Ce bilan est le plus élevé depuis les violences entre partisans de la majorité et opposants qui avaient fait 65 morts en mai dernier, dans plusieurs régions du Liban, avant un retour au calme à la faveur d'un accord inter-libanais scellé le 21 mai à Doha. Les violences se sont récemment multipliées à travers le pays. Mardi dernier, trois personnes ont été tuées lors d'accrochages dans deux villages de la Bekaa (est). Des heurts avaient eu lieu également à Beyrouth, fin mai. D'aucuns appelleraient cela la stratégie de la tension, sinon l'exercice de pressions d'une partie sur une autre. Mais à chaque fois, il y a mort d'homme, et cela enlève aux Libanais leurs derniers espoirs pour une solution politique. C'est à dire la fin de l'usage des armes. Mais quand ?